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12 juillet 2012 4 12 /07 /juillet /2012 22:48

Autrefois, il y avait une pancarte métallique au pied du lit du malade.

Elle rythmait la visite de tous les soignants

Au praticien, elle donnait  un but, souvent une contenance. Entrant dans la chambre, c’est vers le pied du lit qu’il se dirigeait directement, pour s’emparer de cet objet métallique, et de son tableau si informatif. Cela n’avait d’ailleurs pas que des avantages, en terme de proximité avec le patient. Car le médecin avait tendance à rester au pied du lit. Observez-vous en entrant  dans une chambre de patients hospitalisés. Vous vous dirigez maintenant  souvent au côté du patient, ce qui réduit la distance communicationnelle.  C’est mieux.

Néanmoins, même s’il était plus à distance du patient, le médecin n’avait nul besoin de ressortir de la chambre pour accéder à de multiples informations.  La pancarte était un vrai support de communication unique. De nombreuses informations concernant le malade  y étaient accessibles aux soignants. Le pouls, le poids, la température, les médicaments prescrits et administrés, le nombre de jours d’hospitalisation, etc.  Il fallait donc entrer dans la chambre pour accéder à l’information puis y rester un moment pour la lire. Maintenant, une aide-soignante passe  prendre  en moins d’une minute les « constantes » du patient, puis s’en va les copier dans un cahier.  Quand au médecin, il doit partir à la recheche du dossier de soins infirmier pour obtenir ces informations. Le dossier infirmier est le conjoint du dossier médical mais ils vivent généralement séparés. Tous les dossiers infirmiers vivent dans leur chariot séparé, et partent en  voyage avec l'infirmire quand elle fait son tour du service. Il faut souvent que le médecin trouve l'infirmière pour trouver le dossier infirmier de son patient. .   

Avant, quand le patient avait une poussée fébrile, il n’y avait pas besoin de mécanisme sophistiqué d’alerte du médecin. Le médecin qui arrivait dans la chambre et prenait en main la pancarte était aussitôt informé. Maintenant, l’infirmière consignera la température dans un document spécifique, distinct du document de prescription. Si elle oublie d’avertir le médecin, et si celui-ci n’a pas accès facilement à l’endroit où se trouve consignée cette donnée , il se peut qu’il la manque.

Avant, pour prescrire un médicament, le médecin la notait sur la feuille de prescription médicamenteuse. Il y marquait aussi tous les examens à réaliser, et puis les régimes, les  consignes.  Il inscrivait ces prescriptions médicales et non médicales dans l’ordre ou elles sortaient de sa pensée,  bien mélangées. A l’infirmière de faire le tri, en copiant sans se tromper chaque consigne au bon endroit. Le nom des médicaments était donc copié par l’infirmière sur la pancarte du lit du patient. Si une erreur de recopiage d’un médicament survenait, la pancarte au lit du patient, visible par tous, servait au moins de contrôle à posteriori.

Pour quelles raisons la pancarte  a-t-elle été supprimée ? A ce que je sais, tout  d’abord parce qu’elle ne respectait pas la confidentialité.  Toute personne entrant dans la chambre pouvant lire le nom de la personne, les médicaments qu’il prenait, et donc en déduire sa pathologie, qui d’ailleurs généralement figurait en toute lettres sur ladite pancarte. Ensuite parce le recopiage infirmer devint un jour interdit, au motif des nombreuses erreurs, en particulier du fait de l’illisibilité des écrits des praticiens.

Après l’avoir retiré du pied du lit du malade, on du donc, dans un premier temps, centraliser la pancarte dans un dossier spécifique, appelé dossier infirmier. Mais les infirmières recopiaient toujours les prescriptions médicales, avec le risque inhérent d’erreur de transcription.

Puis l’informatique a fait une entrée discrète, progressive, et finalement incontournable dans la pratique médicale. Tout d’abord pour la tenue d’un dossier médical, puis arriva la prescription médicale informatisée.

La prescription informatique hospitalière a d’énormes atouts. Tout d’abord, éviter les retranscriptions du nom du médicament par l’infirmière, ce qui limite cette erreur classique. Ensuite, permettre aux praticiens une prescription calibrée, ce qu’ils ne font pas en routine, oubliant souvent la galénique, les modalités de  délivrance, le dosage, etc… oubliant aussi, quand ils prescrivent par écrit, de signer leurs prescriptions, convaincus que la reconnaissance de leur écriture suffit.  L’informatique permet également l’adjonction au logiciel prescriptif, d’une base de données médicamenteuse, censée informer en temps réel  le prescripteur des interactions des médicaments qu’ils prescrit.

La prescription informatisée hospitalière, au stade actuel, n’a pour autant pas que des atouts.  Son usage quotidien est plus complexe et bien moins idyllique que la théorie. L’informatique médicale n’étant pas encore aussi nomade qu’espéré, la prescription ne peut se faire comme autrefois au lit du patient. Le classeur de prescription était finalement plus simple à transporter qu’un ordinateur de bureau. Le médecin doit donc regagner le poste informatique pour effectuer ses prescriptions médicamenteuses. Il doit impérativement séparer sur différents documents les médicaments, les examens, les soins de support. Les documents sont variés, certains encore en papier, d’autres déjà dans le système informatique.  Il lui faut donc les trouver un à un. En rédigeant  sa prescription, le médecin n’appréhende pas aussi bien son antériorité, sa place dans les médicaments déjà existants. Il lui manque la longitudinalité de son regard sur la feuille de papier, sur le dossier médical aussi. Sur l’ordinateur, il ne peut tout voir d’un seul coup d’œil.  

Ensuite, et  plus complexe, vient la place de l’infirmière. En effet, les règles imposent maintenant que l’infirmière trace l’administration du médicament, sur le même support que celui de la prescription, et sans étape de recopiage. Logiquement, l’infirmière doit donc tracer l’administration sur le même logiciel que celui utilisé par les médecins.  Tracer l’administration, oui, mais avant cela, il faut  disposer d’un plan de soins. Plan de soin que l’on doit avoir sous les yeux dans la pharmacie pour préparer les piluliers, puis dans la chambre du patient, pour vérifier et tracer l’administration. Hélas, les logiciels médicaux actuels sont la plupart du temps balbutiants sur cette dimension de l’administration infirmière. Notamment parce qu’éditer un plan de soins n’est pas facile.  Le format A4 est trop petit, et il n’y a pas d’imprimante A3 dans les services. Il y a des couleurs .. mais  que des imprimantes noir et blanc.  Alors de ce fait, on imprime plutôt  la prescription médicale, que l’on intègre plus ou moins facilement sur un support d’administration infirmière évitant le recopiage. Et c’est la catastrophe, car les médecins se retrouvent alors  avec 2 supports prescriptifs, l’un informatisé, l’autre sur papier. Si par hasard différents praticiens sont prescripteurs, ils rajoutent des info sur l’un ou l’autre support, et la perte d’information par l’infirmière est notable selon l’endroit ou elle va chercher l’information.  Et c’est préjudiciable pour le patient.

Et c’est aussi d’une complexité incroyable. Imaginez un chirurgien passant une visite post opératoire. Pour prescrire l’antibiothérapie , ou vérifier que l’anesthésiste l’a bien prescrite, il va dans le logiciel de prescription médicale. Pour connaitre l’avis du cardiologue passé consulter le patient, il faut qu’il ouvre le dossier médical. S’il veut connaitre les résultats biologiques, il a le choix entre les résultats arrivés dans la bannette et pas encore rangés par ses soins, ou bien le logiciel du labo, si bien sur celui-ci affiche les résultats dans les services. S’il veut prescrire un examen complémentaire, il lui faut changer de dossier, et trouver le dossier infirmier. Ce document s’y trouve généralement. S’il veut connaitre la température de la dernière heure, il peut chercher aussi dans le dossier infirmier. Il risque de la trouver si le dossier infirmier est informatisé. Mais plus souvent, la température du malade figure sur un listing dans la poche de l’infirmière qui n’a pas encore trouvé le temps de recopier. Tous ces documents sont généralement rangés dans le bureau infirmier, sauf si l’infirmière « fait son tour ». Elle est alors partie avec le chariot de visite et tous ses dossiers infirmiers.

Une fois que le praticien aura consulté les données infirmières, revu les données médicales antérieures, revu le malade dans la chambre, s’il est motivé pour rajouter un mot d’observation au dossier, il lui faudra retourner vers le poste informatique, rouvrir le dossier et écrire dedans. En même temps, il pourra compléter sa prescription, en refermant l'observation et en ouvrant le logiciel de prescription médicale. Et  s’il réalise tout à coup qu’il a omis un examen complémentaire à rajouter dans le dossier infirmier de l’infirmière en vadrouille au fond du couloir ?

Tout ceci, bien sûr, au bénéfice du malade ! Mais, au fait…  en est t’on certain ? . Avec ces nouvelles modalités, n’a-t-on pas créé autant d’occasions d’erreurs, voire plus qu’avec la retranscription infirmière, et la pancarte au pied du lit. Pancarte qu’il eut suffi de recouvrir de quelque cache pour que la confidentialité soit respectée.

commentaires

T
<br /> Prescriptions médicamenteuse: la bonne vieille pancarte au secours de l’informatique ? - A méditer!
P
<br /> Merci pour ce post vengeur. La prescription informatique est un cauchemard. Trouver un ordi qui marche, se loguer, se reloguer, mot de passe, platge, controle-alt-supr... Une moyenne de 10 min<br /> avant d'attaquer une visite. Le plaidoyer contre ce système de dingue pourrait être interminable, et il tient pourtant en une phrase : tous à l'ordi, plus personne dans les couloirs, ni dans les<br /> chambres.<br />
C
<br /> Très bonnes vacances dans votre chère Bretagne, malgré la pluviométrie de novembre et les températures hivernales ,-)<br /> <br /> <br /> Cordialement, Cécile<br />

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