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24 août 2009 1 24 /08 /août /2009 22:33

Lors de l'épidémie de grippe espagnole de 1918, un soldat anglais des tranchées présenta, comme la plupart de ceux de son régiment, les premiers signes d'infection grippale.
Au lieu de se rendre à l'Hôpital de campagne, ou la plupart des camarades de son unité rendirent l'âme, il s'isola, seul dans sa tente, en haut de la colline. Après plusieurs jours de maladie évolutive, la santé lui revint, et il fut un des seuls survivants de son unité.

Cette anecdote n'est pas unique. On a montré à de multiples reprises l'intérêt de l'aération des malades. Pour la grippe espagnole de 1918, toujours, les marins survivaient mieux en étant soignés sur le pont plutôt qu'au fond de la cale. Cette réflexion de traitement à ciel ouvert a été, durant plusieurs siècles, la base du traitement de la tuberculose en sanatorium.

Lors de l'épidémie de grippe espagnole, le concept de traitement à l'air libre est repris, et les malades sont traités dans de grandes tentes, bien protégés du froid par des bouillottes et des couvertures. Cela diminuait le risque de pneumonie, facteur essentiel de décès lors de cette épidémie, qui tua, à l'époque, énormément de personnes jeunes. 
Il semblerait bien que la lumière solaire inactive les virus influenzae, virus de grippe, et qu'elle soit aussi létale pour de nombreuses bactéries. En pratique, lors de votre prochaine contamination par le virus de la grippe A, il est possible de s'exposer au soleil, bien couvert. Ne pas fermer les volets. Aérez ! Le bon sens populaire dit qu'aérer tue les microbes, et il a surement raison !


Hobday RA et coll. : The open-air treatment of pandemic influenza. American Journal of public Health. Publication avancée en ligne le 21 mai 2009, as 10.2105/AJPH.2008.134627

1 août 2009 6 01 /08 /août /2009 15:58
Jill Bolte Taylor est une neuro-anatomiste américaine, qui dit avoir eu la chance inpensable pour une spécialiste du cerveau, d'avoir un accident vasculaire cérébral et d'analyser ce qui lui arrivait

La présentation au forum TED en 2008 est émouvante



sous la vidéo, il est possible de choisir le sous titrage dans la langue de votre choix, y compris en français.

Elle a aussi  publié un livre , traduit en plein de langues. En français, le livre est
"voyages au dela de mon cerveau"

Je l'achète vite fait


1 juillet 2009 3 01 /07 /juillet /2009 20:09
Allo docteur, je voudrais prendre rendez vous avec vous...

      -   Bien Madame, j'ai de la place Mardi prochain a 16 heures

Euh non docteur Mardi prochain a 16 heures, je ne peux pas venir, parce que vous comprenez  je dois chercher les zenfants à l'école

     - ah oui, je comprends, je vous ai déja vue en consultation ou bien venez          vous pour la première fois ?

Je suis Madame Muc... , non je ne vous ai jamais vu, docteur

    - Madame Muc? mais ce n'est pas vous qui avez déja pris 3 rendez vous depuis un mois, rendez vous auxquels vous n'êtes pas venue ? Ah si pardon, vous êtes venue une fois, mais avec 2 heures de retard,
et vous avez protesté parce que je ne pouvais pas vous recevoir ?


Oui docteur, c'est moi, mais la, il faut vraiment que je vous voie, parce que j'ai mal depuis un an, ça devient vraiment urgent. Je veux vraiment vous voir tout de suite.

- OK madame, mais venez tout de suite, parce que je dois partir en visite dans 20 minutes...

20 minutes plus tard, le médecin part pour ses visites. Madame Muc n'a pas pointé le bout de son nez.

le lendemain:
Allo, docteur, hier vous étiez parti quand je suis arrivée, pourtant je m'étais dépêchée, mais le bus n'arrivait pas et le métro s'était mis en grêve brutalement.

- Oui Madame, seulement je vous avais bien indiqué 20 minutes, pas plus, et j'ai du partir comme prévu

Je comprends docteur, mais il faut vraiment que je vous voie. Tout de suite est ce possible?

- Hélas non madame Muc, car je m'absente ce soir pour quelques jours. A la rigueur si vraiment votre cas est urgent, je vous rajoute en fin de consultation, vers 20 heures

Ben non docteur, a 20 heures, je peux pas venir.

- Alors, je vous propose d'attendre la semaine prochaine et de venir voir le Dr Untel qui me remplace durant mon absence

Mais non docteur, je ne serai pas la la semaine prochaine, je pars en vacances aussi pour 2 mois. Aujourd'hui ce n'est vraiment pas possible ?

- Ecoutez madame, vous comprenez bien que je vous ai attendue hier inutilement, que vous avez manqué plusieurs rendez vous, et qu'il m'est impossible de vous recevoir aujourd'hui

Evidemment , je m'en doutais bien docteur, que vous ne voulez pas prendre les patients qui sont à la CMU.....


22 juin 2009 1 22 /06 /juin /2009 22:22


Tant un gastro en voit qu'une tournée de caca elle vous sert.

Certains ont  un caca qui coule, prélude d'une harmonieuse journée .
Mais d'aucuns mécontents auront eu ce matin un caca qui colle
voire même le caca qui cale

Faisons la différence entre ceux qui ont le caca qui calme
et les excités dont le caca clame
Ceux la toujours réclament
rien ne les calme
même si on les acclame


De tout temps chacun préfère un caca qui claque à un caca qui cloue
et puis, c'est sur, un caca qui clique vaut mieux qu'un caca qui cloque,
vous ne trouvez pas ,









Avec le caca,
chacun fait sa vie de tous les jours
par ou il évacue ses envies
Et c'est selon les personnages
le caca culte
le caca culotte
le caca culbute
le caca culasse
le caca culot
le caca calotte
ou le caca qui clabotte
voire qui barbote

c'était mon caca.. fouillage
né d'un ennui cacafardeux
au cours d'une interminable réunion de didirection









4 juin 2009 4 04 /06 /juin /2009 19:38
Nouvelle approche du traitement du cancer : la thérapie adaptative.
Pour survivre au cancer, faudra t'il vivre avec ?


Using evolution to develop adaptive chemotherapy  Gatenby, R.A. et al. (2009) Adaptive Therapy. Cancer Research, 69, 4894, doi: 10.1158/0008-5472.CAN-08-3658.

A change of strategy in the war on cancer ;  Robert A. Gatenby  ;Nature 459, 508-509 (28 May 2009)


Beaucoup de traitements systémiques sont disponibles pour traiter les cancers. Néanmoins la réponse tumorale est souvent transitoire et l'échec du traitement secondaire à l'apparition de populations cellulaires résistantes induites par le traitement.
En effet, le micro-environnement tumoral est composé de cellules hétérogènes, dans le temps et l'espace, et les phénotypes des cellules tumorales s'adaptent aux perturbations engendrées par les traitements. Il est curieux que les protocoles thérapeutiques considèrent la maladie comme linéaire, alors que les cancers sont des des systémes hautement dynamiques.
En fait, pour traiter les cancers, on a imaginé une stratégie de type traitement antibiotique, qui décime toutes les cellules pathologiques en respectant les cellules normales.

Les simulations mathématiques montrent au contraire que la chimiothérapie à dose élevée accélère l'expansion des populations résistantes.

Une expérience mathématique initiale a trouvé que les cellules de phénotype résistant sont présentes en petit nombre, et que la résistance n'est pas une solution facile pour ces cellules car elles sont moins adaptées que la population de cellules sensibles. Elles utilisent plus de substrats et d'énergie pour réguler leur métabolisme et de ce fait ne sont pas disponibles pour la prolifération.  Pour surmonter la chimiothérapie, elles doivent augmenter leur métabolisme. Elles sont donc moins résistantes dans les conditions normales.
Ce serait donc en fait la pression sélective de la chimiothérapie visant à détruire le maximum de cellules cancéreuses ,  qui permettrait aux cellules résistantes de proliférer plus vite que les cellules normales, en induisant une perte de leur résistance.

L'attitude alternative se comprend par une analogie avec l'application de pesticides. Si l'on applique des pesticides à forte dose sur une zone étendue, on tend à selectionner les résistances. Alors qu'une application partielle respecte les populations normales et de ce fait n'induit pas de résistance mais au contraire un équilibre.

Ce modèle permet de prédire que la survie de l'hôte peut être maximisée si une stratégie curative est remplacée par un traitement visant la stabilité. La stratégie thérapeutique optimale consisterait alors à moduler la tumeur de manière à maintenir une population stable de cellules chimiosensibles qui peut, à son tour, réprimer la croissance des populations résistantes, et cela sans toxicité induite par les traitement.

Les simulations informatiques montrent que cette stratégie peut entrainer une survie prolongée substantiellement plus elevée que celle des des traitements à hautes doses ou séquentiels. La faisabilité est confirmée par des expériences in vivo chez la souris, et elle montre que cette méthodologie peut produire des survies prolongées.

Essayer de contrôler la maladie, considérer la tumeur comme un écosystème qu'il ne faut pas chercher à détruire mais à maintenir en équilibre, cela pourrait-il être une meilleure approche que de s'efforcer de la guérir ?

Même si elle a donné lieu à des expériences animales, cette stratégie ne peut pour le moment s'appliquer à l'humain. Notamment les éléments de surveillance d'une tumeur maintenue en équilibre sont des paramètres inconus et pratiquement ingérables. L'adaptation des doses de traitement au résultats obtenus posera autant de difficultés. Cette approche thérapeutique innovante n'est donc pas demain dans la perfusion de chimiothérapie.




5 mai 2009 2 05 /05 /mai /2009 20:46
Dernier acte de la séquence annonce ce matin, avec la nouvelle du départ des directeurs à tous les cadres.

A défaut d'âvoir des compétences de management, j'occupe les réunions à exploiter les méandres de mon empathie, en tentant d'analyser les pensées des autres

Les 2 émetteurs de la nouvelle, j'en ai déja parlé, ont refait ce matin le scénario de la veille. A chaque réunion, le public était différent, la situation était superposable, nécessitant que tous dussent encaisser la force du message.

Les émotionnels ont pâli, ou bien gardé un regard fixe pour ne pas que les larmes s'y mettent à couler. Ils ont cru donner le change avec la fixité de leurs yeux, mais l'embuement visible ne trompait pas. Les anxieux ont contracté le front , plissé les paupières, trituré leurs lèvres en un rictus coincé. Les nerveux ont broyé leurs jointures, croisé et décroisé les jambes.

A part ces mouvements divers, mais localisés, on retrouvait comme une constante, l'immobilité, l'attitude figée dans la sidération de la nouvelle. Puis rapidement l'apparition de comportements de relachement, quand le cerveau, sortant de la sidération, retrouvait la capacité de raisonner, de réaliser que rien de vraiment grave n'était en train de se produire hormis un changement d'habitude, hormis la vraie vie qui veut que les uns partent vers les cieux de la retraite, et qu'ils l'ont bien mérité.

Le relachement inaugurait les tempêtes se produisant dans chaque cerveau. Et moi, se disait chacun par devers soi, et moi, que va t'il m'arriver, que vais je devenir ? . Qu'est ce que cela va modifier pour moi ?. Chacun se croyant à cet instant convaincu que ce qu'il était en train de voir disparaitre était le meilleur. La surprise apportait avec elle une conviction, celle d'un regret. Regret d'un temps en train de disparaitre, et qui de ce fait devenait soudainement évalué comme exceptionnel, et plus jamais reproductible. Comme si quitter le nid douillet des habitudes relationnelles avec des managers connus et appréciés, ne pouvait finalement les conduire que vers moins bien.  L'ancrage dans la conviction intime que rien ne serait jamais aussi bien que maintenant, était le premier réflexe de tous. Les qualités de ceux qui partaient apparaissaient soudain en gros plan, comme des évidences que l'on n'avait pas envie de quitter pour aller vers un inconnu aveugle et imprévisible

 Car en définitive, ce qui intéresse chacun, ce n'est que ce qui va lui arriver à lui ou à elle. Les évènements, certes, sont importants, mais l'essentiel ne sera jamais que l'importance des changements personnels engendrés.

A partir de ce moment, les réflexions vont aller bon train dans les cerveaux de ceux qui savent. Elles sont en oeuvre aussitôt , j'ai eu l'occasion de m'en rendre compte dès ce matin. Il y a ceux qui réagiront avec philosophie, ceux qui s'adapteront à la nouvelle gouvernance. Et puis il y aura l'inévitable petit groupe de courtisans, ceux qui vont aller coller leur glu le plus vite possible auprès de la nouvelle, dans l'objectif inavouable de se mettre en position, de garder une influence, voire de la trouver ou de la retrouver s'ils ne l'avaient pas conquise auparavant.

La personne qui arrive n'étant pas née de la dernière pluie ne devrait pas se laisser aveugler par le ballet des demandeurs, des quémandeurs, des intéressés. J'ai l'avantage de déja savoir qui ils seront, connaissant assez bien les différents protagonistes médicaux de l'action... quoi que, on est toujours surpris de la réaction de certains , jusque la restés dans l'ombre et qui sortent de leur réserve pour tenter leur chance dans de telles circonstances.

A suivre.. Manière à moi de calmer mes craintes, de prendre du recul pour ne pas poser trop vite les questions, d'attendre que les choses se passent: observer .
2 avril 2009 4 02 /04 /avril /2009 21:15
Aïe, Aïe, Aïe...
26 ans,

la dernière fois que je l'ai vue c'était en 2003. Je lui avais diagnostiqué une hépatite auto-immune, évoluant vers une cirrhose. Maladie dont le traitement repose sur la prise de corticoïdes et d'immuno-suppresseurs. Traitement qui stabilise la maladie en règle générale.

En 2003, elle avait 20 ans. Famille nombreuse de ville pas riche de la banlieue Sud. Petit logement. Promiscuité. Pas de motivation. Pas d'étude.

Le traitement a eu un effet remarquable... en 1 mois.

Le deuxième mois, elle avait tout stoppé. Elle ne voulait plus prendre les médicaments. Trop de contraintes. Pas moyen de la convaincre

Réapparition ce matin.

Entre temps, elle a fait une incursion dans un grand service d'hépatologie parisien, à l'Hôpital Beaujon, autour de 2004. Pas différent. Mêmes conclusions que moi apparamment. Elle n'a pas pris le traitement.

Et maintenant.

Pas de changement de contexte social. 26 ans. Toujours  inactive. Toujours chez sa famille. A réussi à obtenir 30% d'invalidité en raison d'une ablation de la thyroide pour maladie bénigne.

Apporte un bilan hépatique, qui n'est pas franchement rassurant. Vu le temps qui a passé, le risque de cirrhose du foie sur une hépatite auto-immune non traitée est plus que réel.

Elle est décidée, aujourd'hui, à se prendre en charge. Problème, ce n'est pas si simple qu'elle l'espère. Aujourd'hui, la seule chose à proposer est le point sur son état de santé. Examens biologiques hépatiques, probablement nouvelle biopsie de foie, fibroscopie pour rechercher des complications liées à une hypertension portale, car elle dit avoir vomi du sang. Or la cirrhose, en bloquant la circulation dans le foie, entraine une surcharge dans les vaisseaux digestifs, et la formation de veines de déviation , les varices ooesophagiennes. Sans oublier le bilan de l'état du foie par une échographie et/ou un scanner ensuite.

Pour aujourd'hui, donc, rien, pas de possibilité de prise en charge immédiate du problème.  Même ^pas possible de donner un traitement d'attente, à l'aveugle.

Je me fais du souci par rapport à sa motivation. Elle est motivée pour l'action,  et aura du mal a accepter le délai de bilan et de décision thérapeutique, pas forcément simple.

Cette fois, va t'elle donner suite ?

Ou bien repartira t'elle sur la route, longue ou courte, on ne sait pas trop, qui risque fort de la mener un jour vers la greffe de foie.
22 mars 2009 7 22 /03 /mars /2009 23:36
A l'ordre du jour des Journées Francophones de Gastro-entérologie, la question des polypes manqués lors d'une coloscopie

Les tests de dépistage sont en plein essor, et presque 10% des coloscopies réalisées sont consécutives à un test hemoccult positif

En cas d'hémoccult positif, une lésion colique, bénigne ou cancéreuse est trouvée dans la moitié des cas au cours de la coloscopie

Et l'autre moitié des patients, qui ont un hemoccult positif et une coloscopie normale, ce sont les "faux positifs du test". C'est prévu. Ce test de dépistage est très sensible et peu spécifique. Ne pas oublier surtout qu'un test négatif n'écarte pas formellemen tout risque d'avoir un polype, voire même un cancer.

Le problème de la coloscopie, c'est que certains polypes ne sont pas vus, et sont donc laissés en place dans le colon, avec un risque persistant de développer une tumeur

Les études de coloscopies faites successivement par 2 opérateurs sont très interrogeantes. En effet, elles semblent révéler que près de 20% des polypes pourraient ne pas être trouvés.

Pour éviter cela, on nous recommande de procéder au retrait de l'endoscope le plus lentement possible, avec un temps de descente d'au moins 6 minutes, garant d'une bonne observation de toute la muqueuse. Il reste certes des angles morts, derrière les plis coliques, mais descendre lentement l'appareil réduit les zones non vues.

Cette durée de retrait de l'appareil devrait idéalement figurer dans le compte rendu de l'endoscopie. Mais certains praticiens craignent que la communication de ce genre d'information ne se retourne éventuellement contre eux.

En tous cas, il faudra bien que les patients inquiets posent non seulement la question du risque de l'anesthésie, et de la coloscopie , mais aussi celle ci: "Docteur, en combien de temps faites vous le retrait de votre appareil pour examiner ma muqueuse ?"
17 février 2009 2 17 /02 /février /2009 23:32
Sympathique vieux monsieur de 81 ans

La case de mon logiciel réservée aux antécédents se remplit bien

Celle des traitements en cours aussi

Mais rien que de très banal, alignement de l'adénome prostatique, de l'hypertension, du diabète, de l'accident cardiaque, tout des trucs de base de cet âge la

Et puis 10 minutes plus tard, alors que je suis en train de l'examiner, un souvenir lui revient d'un coup:

Ah oui, docteur, au fait, j'ai oublié de vous dire, je viens d'avoir 6 mois de chimiothérapie, et des rayons pour mon cancer de la prostate !


12 février 2009 4 12 /02 /février /2009 22:05
Depuis le début de mes études, soit l'année 1973, je rencontre une à une les mutations de la médecine , et j'en ai marre, comme tous ceux de ma génération, d'essuyer successivement tous les plâtres, de voir les améliorations de pratique et de condition d'exercice se mettre en place une fois que je n'en ai pas bénéficié. Depuis les années 70, une génération de médecins, dont je fais partie a le sentiment d'endosser, en tant que médecin, systématiquement le mauvais rôle...

J'explique...

Cela commence par la mise en place d'un concours à l'entrée de première année de médecine, juste l'année 73. Je viens de réussir l'examen de passage en 2ème année en juin, et j'apprends en septembre qu'en fait, depuis l'été un numérus clausus a été instauré, et que je vais donc finalement être collée. Nous sommes plusieurs centaines dans ce cas, dans toute la France. Malgré nos manif, grêves et protestations, nous n'aurons pas gain de cause, et tous les "reçus-collés" redoubleront, hormis quelques enfants de ministres qui passent en douce..

Ca  continue pendant les études , aucune rémunération pour les étudiants. Des gardes d'externe, c'est à dire d'étudiant en médecine, dans des services prestigieux, en particulier dans le service du Pr Hamburger à Necker. Pour seul paiement le prestige d'approcher de tels patrons , et un dédommagement de 15 euros à partir de la troisième garde du mois

On enchaine avec l'internat. Nommée interne en 1980, le repos de sécurité, même pas en rêve.. . Un interne est la pour apprendre, mais surtout pour bosser sans heures compter. Ce qui donne l'enchainement d'une journée de boulot dans le service, suivie d'une garde de 18 heures à 8 heures aux urgences d'un hopital de 800 lits, donc pas une minute de sommeil, et retour à 8 heures le lendemain pour la visite dans le service.
Les gardes, de ce temps, ne sont payées (mal) qu'à partir de la troisième garde par mois. Heureusement, on arrive à en faire moins, sauf ceux qui ont vraiment besoin d'argent.

Vient le temps d'être chef de clinique. Rien à dire ? Ah si... en arrêt de travail du fait d'une maternité difficile , j'apprends à mes dépends que l'on est payé que sur la base de la moitié du salaire

L'installation arrive en 1987. Par conviction et utopie, je fais le choix du secteur 1, sans dépassement d'honoraires. Mais après plus de 10 années d'installation, le montant des honoraires n'est pas monté.. les charges si !
Alors, comme me le permettent mes titres d'ancien interne et ancien chef de clinique, je passe en 1999 en secteur 2, à honoraires libres. Enfin le vrai libéralisme, le choix de fixer librement ses tarifs, en restant dans des prix naturellement bas, ce qui convient à mes idées et ma pratique. Que nenni, je ne suis pas arrivée au pays de la liberté tarifaire pour en jouir avec délices! Quelques énergumènes ayant certainement abusé de la liberté, facilitent ainsi la démarche de ceux qui pensent qu'il est bon de stigmatiser le corps médical. Les années 2000 vont se focaliser sur les riches médecins qui détroussent les pauvres malades. Qui n'acceptent pas de consulter les pauvres à la CMU, qui n'ont pas leurs papiers, et dont on sait que la consultation ne sera jamais réglée. A qui d'autre demande t'on donc de travailler gratuitement? Au nom de quoi faudrait il que notre métier nous oblige a suppléer le travail d'une sécurité sociale et d'un système même pas capable de mettre en oeuvre correctement les modalités de prise en charge qu'il a créé.  Si la CMU est une réelle avancée, il est illogique, voire inadmissible que ce soit le corps médical qui soit obligé d'en assumer les failles sur ses propres revenus.

Durant ces années, la sécu ne nous sollicite pas seulement pour suppléer quelques failles. Elle nous oblige, sous la contrainte, à faire son travail, à sa place, sans aucune rémunération du temps passé. Cela s'appelle la télétransmission.  Qui fait la télétransmission ? le médecin. Qui passe du temps à le faire, paye l'appareil, les rouleaux de papiers, les appels surfacturés vers le centre de transmission ? Les médecins ? et à qui demande t'on de justifier les failles de la sécu ? le médecin. Parce que, chaque fois qu'un patient est mal ou pas remboursé comme il l'espérait, à la sécu, on lui dit de voir avec le médecin.

Ensuite on nous oblige a coder l'acte selon le parcours de soins. On oublie de prévenir les patients qu'ils sont automatiquement considérés hors parcours s'ils n'ont pas fait de déclaration de médecin traitant auprès de leur caisse. Alors ils appellent le médecin, et ne sont pas contents. En tant que spécialiste, on peut, comme cela a été mon cas récemment recevoir des menaces de la part d'un patient dont on a codé l'acte en hors parcours de soins.

On oublie pudiquement aussi de dire que le médecin ne sera pas réglé s'il télétransmet un acte pour un patient en CMU qui consulte hors parcours de soins  ou qui n'a seulement pas pris la peine de déclarer son médecin traitant à la sécu. Alors on traite ce même praticien de tous les noms d'oiseau riche, s'il a l'outrecuidance d'expliquer au patient qu'il doit avancer les frais de la consultation parce que c'est LUI, le patient, qui n'a pas fait les démarches nécessaires, et qu'on ne voit pas pourquoi ce serait au médecin de consulter gratuitement dans ce cas.

Les contraintes sont sans nombre, et sans fin. La permanence des soins. OK...elle est obligatoire... mais pas payée, là encore. Vous en connaissez vous qui prennent des astreintes non rémunérées dans d'autres métiers ?. Eh bien les médecins sont obligés de prendre des astreintes, et ne sont pas rémunérés pour cela. Hormis la permanence de généraliste et d'un obstétricien, d'un anesthésiste et d'un chir dans chaque établissement; Mais dans les grandes cliniques comme celle ou j'exerce, il y a au moins 10 spécialistes d'astreinte non rémunérée 365 jours par an. Et puis, en libéral, repos de sécurité, même pas en rêve. Quand le chirurgien opère les urgences jusqu'à pas d'heure, le lendemain, il n'annule pas ses consultations.

Je ne vais pas oublier de parler des malades, et de ce métier que j'aime. Les malades sont malades, bien trop, nombre d'entre les médecins ne comprennent pas comment on peut être parfois aussi mal soigné dans un pays avec un si performant système de santé. On se pose la question de plus en plus souvent entre collègues: comment se constitue ce hiatus entre des bien portants bien trop consommateurs de soins, exigeants de bien-être; et des patients qui arrivent dans un état clinique grave, voire avancé, comme si les médecins traitants avaient manqué de vigilance, n'avaient pas su faire la part des choses.

Les attentes de tous les patients sont incommensurables, et leurs exigences épuisantes. Leur insatisfaction nous épuise. Ils attendent bien trop des médecins, le diagnostic, l'accompagnement, la guérison, mais aussi tout l'encadrement administratif qui va avec. La mort est une hypothèse inenvisageable, et est considéré comme un échec, non seulement de la médecine, mais du corps médical.

Un article récent de Dominique Dupagne http://knol.google.com/k/dominique-dupagne/quand-la-bulle-mdicale-va-t-elle-clater/3cicv6vyqos68/6#  décrit fort bien la bulle médicale, sorte de spirale qui aspire les énergies du corps médical. Comme  toutes les bulles, elle est amenée un jour à éclater, et la considération des médecins en sera, je l'espère, améliorée.

Comme écrit Dominique Dupagne, les alertes sont négligées, leurs émetteurs sont détractés, et le système fait preuve d'une opacité croissante. Les budgets sont critiqués, mais illimités. Ceux prennent des décisions ne sont de toute manière pas neutres, mais en conflit d'intérêt.  Ces éléments, entre autres, sur le modèle des évènements financiers récents consitituent un shéma qui conduit forcément à la rupture...

La situation de bouc émissaire de tout ce qui arrive aux patients, mais aussi au système de santé, à la sécu, à la science est bien trop lourde à porter par les soignants.
Il est à espérer qu'une rupture survienne, entrainant une prise de conscience, qui  puisse rendre l'exercice médical plus satisfaisant et plus facile, permettant de resituer le véritable rôle essentiel,  celui de soignant.

Je crains qu'une fois encore, les évènements positifs ne se mettent en place quand il aura été démontré, sur le dos de ceux de ma génération, qu'un tel système ne peut perdurer, tant il donne une permanente impression de travailler en milieu hostile.

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