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La richesse, c’est comme la vieillesse. Chacun a, sur ces questions, sa référence personnelle.
J’ai toujours trouvé impossible d’estimer la solvabilité des patients. On dit que c’est cher de se soigner. Néanmoins, cette généralisation de la pauvreté me déplait face à certains signes indirects susceptibles d'indiquer qu’un prix de consultation plus élevé ne devrait pas poser de problème de fin de mois. Bronzage en février, retour de semaine de ski ou des Caraïbes, avion réservé prochainement pour destination lointaine. Et, justement, ceux qui ont les moyens de s’offrir ces superflus (dans le sens : pas indispensable à la survie) sont souvent parmi les plus regardants à leurs dépenses médicales. Leurs dépenses prioritaires étant ailleurs, les soins médicaux sont à leurs yeux le pôle sur lequel doivent porter leurs économies.
Dans tous les cas, il ne faut pas gaspiller. Ma vision de la richesse, c’est justement de de pouvoir gaspiller (un peu, beaucoup) sans pour autant plomber sa fin de mois. Le pauvre ne peut gaspiller, car il n’a pas de marge de manœuvre ; Celui qui m’agace : c’est celui qui a gaspillé sur certains postes de dépenses et veut économiser sur celui de sa santé, arguant du fait que je suis un riche docteur qui n’a pas besoin de son argent.
Pour m’aider à mieux cerner mes références sur la pauvreté et la richesse, je lis les textes des penseurs, je m’intéresse à la politique. Et là, c’est le grand flou, puis le méga-flop.
Je prends connaissance des nombreux arguments contre les dépassements d’honoraires. C’est exact, ce truc est nul. Néanmoins, on n’a pas inventé mieux, et les honoraires sont bien trop bas dans ce pays. A part médecin en secteur 1, y a-t-il d’autres professions libérales pour lesquelles la seule manière de réguler le revenu est de travailler plus, puisqu’il n’est pas possible d’augmenter ses tarifs en les adaptant à la demande. Des économistes de renom, des éthiciens non moins renommés sont contre le secteur 2. On retombe à chaque coup sur l’éternel problème de tous les gens qui sont contre. Je l’ai déjà soulevé dans un post qui m’a valu de virulentes invectives (lien). Ceux qui sont contre, ils sont juste « contre », et ne se privent pas de le faire savoir. On aimerait bien savoir « pour/quoi » ils sont mais on n’obtient pas cette réponse. Etre contre est un sport national qui se passe de propositions concrètes.
Ayant ainsi à peu près entériné dans ma tête que la pauvreté est suffisamment répandue dans ce pays pour que l’on n’accepte pas que certains patients payent des honoraires plus élevés, je me prépare à méditer sur l’offre de ce nouveau secteur voté dans un avenant litigieux. Et soudain, paf, un beau matin, l’évidence à laquelle je commençais tout doucement à m’habituer s’écroule d’un coup. Qu’apprends-je ? J’apprends au détour de l’info que finalement, oui, il y a bien des riches. Des riches auxquels on va raboter sérieusement les allocations familiales données par l’état pour leurs enfants. Une première conclusion d’importance s’impose donc : ces gens riches resteront riches même s'ils reçoivent moins de l’état pour leurs enfants… en revanche, si leurs frais médicaux étaient plus élevés, cela les appauvrirait, à ce que continuent à affirmer les érudits . Voici donc une nouvelle vision de la justice sociale : augmenter les dépenses de santé des riches est injuste, par contre baisser leurs entrées est juste.
Pour ma part, j’aurais pensé qu’un enfant est un enfant, que ses parents soient pauvres ou riches, et donc que la justice sociale consiste à donner la même chose à tout enfant de France. Pourquoi un enfant élévé en France aurait-il des droits différents au nom de la richesse de ses parents. Après ça peut poser problème… si un enfant de riche devient pauvre, aura-t-il prétention à demander à l’état les alloc dont il n’a pas bénéficié. Et, si un enfant de pauvre devient riche, il devra rembourser l’état ? Moi, pour cette histoire d’alloc, je trouvais la fiscalisation plus juste. J’étais pour qu’on donne pareil à tout le monde, à l’image de l’unité tarifaire qu’on prône en médecine. Puis après on en reprenait plus aux riches puisqu’ils payent plus d’impôts.
Au total, j'ai du mal à trouver une cohérence dans les visions de la justice sociale proposées à ce jour: il serait convenable que tous les patients payent la même somme chez les médecins, que les dépassements d’honoraires soient tant rabotés qu’ils finissent par disparaitre. D’un autre côté, il est acceptable que les familles ne reçoivent pas la même somme pour l'éducation de leurs enfants selon qu’elles sont riches ou pauvres.
Franchement, la justice sociale cela doit être comme la richesse et la vieillesse. Chacun a ses propres références.