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Point de vue d'un gastroentérologue qui essaie de faire la part des choses
La Haute Autorité de Santé, entérine le fait que le dépistage organisé du cancer prostatique de toute la population masculine de 50 à 75 ans par un dosage de PSA , c’est non ! Il n’en va donc pas pour la prostate comme pour le dépistage du cancer colique, et de celui du cancer du sein.
L’association Française des Urologues (AFU) rétorque que la HAS exagère. Selon elle, le dosage du PSA a un intérêt pour dépister des cancers précoces à un stade curable, quand ils n’ont pas dépassé la limite de la glande.
Eh bien, non rétorque la HAS, car de nombreux patients sont ainsi soumis à des investigations répétées par biopsies, puis traités trop précocement et pâtissent de traitements dont ils n’auraient peut-être même pas eu besoin si une simple surveillance avait été instaurée, ou bien si on n’avait rien dépisté du tout.
Mais dit l’AFU, quand on dépiste 1055 hommes et que l’on en traite 37, on évite 1 décès par cancer de la prostate. Eh bien alors, répondent en cœur les partisans de l’abstention, soutenus par ceux de la revue Prescrire et du collectif "Touche pas à ma prostate".. en terme de santé publique, c’est pas le top niveau de la rentabilité diagnostique !
Les uns disent que dépister le cancer de la prostate n’en fait pas baisser la mortalité globale. Donc, pas d’intérêt de santé publique, la encore. Les autres allèguent qu’au contraire la mortalité par cancer de la prostate chez l’homme a beaucoup baissé ces dernières décennies. Mais ne serait-ce pas un effet de l’amélioration des traitements, plus que de l’influence d’un dépistage organisé ?
Et puis, affirme l’AFU, quand on dépiste de petits cancers, la simple surveillance de petits cancers est maintenant un traitement en soi, décidé en réunion de cancérologie. Oui, mais est-ce généralisé ? Et est-ce tenable ? Combien d’hommes se sachant atteints d’un cancer supportent longtemps une simple surveillance ? Au contraire, cela ne pousse t’il pas à un traitement trop précoce, avec les conséquences délétères des thérapeutiques, comme l’impuissance ou l’incontinence post-chirurgicale, ou les séquelles des rayons.
Mea Culpa, entend-on au loin.. c’est le Dr Richard J Ablin, l’inventeur du dosage du PSA, qui se repend et se reprend. Mon test trop imparfait est un désastre de santé publique, et un gouffre financier. Depuis que je l’ai inventé en 1994, personne n’a réussi a se mettre d’accord sur une valeur seuil qui devrait déclencher des investigations. 2 disent les uns, 4 disent les autres, 10 pour les partisans de la simple surveillance, élévation progressive des taux proposent encore d'autres. Les médecins prescrivent trop facilement le dosage de PSA, mais après… que faire ?
D’un côté un groupe de travail HAS, comportant d’éminents épidémiologistes et statisticiens, mais aucun urologue. De l’autre côté un communiqué de l’AFU rédigé par les urologues de l’association. La rigueur scientifique de l’analyse des papiers, la motivation médicale au contact des patients. Derrière tout ça, des intérêts. Celui de la collectivité qui considère le dépistage comme non rentable en terme de santé publique, celui de l’urologue qui n'imagine pas se retrouver sans dépister et donc sans surveiller, sans biopsier, sans opérer, les petits cancers de ses patients.
Pour épiloguer, 2 conclusions parallèles dont on ne voit pas bien ou et comment elles vont se rejoindre:
- Pour la HAS : Pas d'opportunité de la mise en place d'un dépistage systématique du cancer de la prostate par le dosage du PSA
- Pour L’AFU, en guise de réponse pirouette, la pratique du dépistage individuel par le PSA ne doit pas être remise en question .
Ou l’on voit que la HAS a porté le coup de grâce au dépistage systématique et que l’AFU se bat sur la notion de dépistage individuel.
Encore des débats en perspective sur un sujet qui reste donc polémique.