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20 mars 2015 5 20 /03 /mars /2015 22:43

En 2015, au moment ou la loi de santé passait en accéléré les portes de la mise sur le marché dans les antichambres du gouvernement, malgré 40000 médecins dans la rue la semaine d’avant, les patients ne se privaient pas de remarques acides à propos des médecins qui refusaient de ne plus les faire payer.

Se sont-ils projetés 2 ans plus tard, les bien-pensants vite prompts à considérer que les médecins devraient accepter de ne pas être rémunérés pour tout leur travail, au motif que leurs années d’études leur ont été « offertes » par l’état

Consultation 2017.

De moins en moins de médecins, de plus en plus de patients. Durée d’une consultation : 10 minutes

7 premières minutes de consultation : Mme Michu, bonjour, vous venez pour quoi ?

Pardon, Mme Michu, excusez moi, avant de vous soigner, nous devons tout d’abord régler la question administrative. Donnez moi, je vous prie, votre carte vitale, et votre attestation de mutuelle.

Et aussi, avez-vous transmis à la sécu votre relevé d’identité bancaire, afin qu’elle puisse vous prélever l’euro retenu sur chaque consultation ? Vous savez que sinon, je ne peux faire le tiers payant.

  • Ah, je ne l’ai pas docteur, ma carte vitale ne fonctionnait plus j’attends la nouvelle carte depuis 5 mois
  • Ah, je ne l’ai pas docteur, on m’a volé ma carte vitale, j’attends la nouvelle carte depuis 5 mois.
  • Vous savez que je viens de changer de métier, docteur ? Déclenchement d’un reflexe primitif de réponse simple chez le praticien. Ah bon, vous faites quoi, alors maintenant ? mais, non, cette question c’était dans le temps… La nouvelle formulation est : « Vous venez de changer de métier……. et votre carte vitale ? l’avez-vous mise à jour ? »
  • Vous avez un médecin traitant ? oui, non, je ne sais plus, je ne sais plus son nom, il a pris sa retraite l’année dernière mais je n’ai pas trouvé d’autre médecin pour le moment.
  • Au fait, lors de vos 3 dernières consultations, je n’ai pas été réglé. Vos droits sont t’ils à jour ? auriez vous par hasard votre attestation de droits ? Mes droits, docteur, qu’est ce que cela veut dire ? avec tout ce que j’ai cotisé, bien sur que la sécu j’y ai droit.
  • Vous avez votre attestation de mutuelle ? non, je l’ai oubliée
  • Vous avez votre attestation de mutuelle ? non, parce que la mutuelle ne me l’a pas envoyée
  • votre attestation n'est plus valable, elle n’est plus à jour depuis 3 mois. Je comprends, ce n’est pas de votre faute, mais avez-vous fait une nouvelle demande comme je vous l’ai dit la dernière fois, car je ne suis pas payée des consultations
  • Docteur, je viens de changer de mutuelle, j’en change tous les ans, avec le courtier spécialisé qui me trouve chaque année les meilleurs rapports qualité prix, et la, je n’ai pas encore reçu mon attestation
  • Docteur, j’ai la mutuelle employeur obligatoire, mais comme elle me prend en charge beaucoup moins bien qu’auparavant, j’ai aussi une surcomplémentaire, pouvez vous faire la prise en charge surcomplémentaire en même temps
  • Vous n’avez pas enregistré votre RIB ? dans ce cas, je ne peux pas vous faire le tiers payant, car la sécu ne pourra pas récupérer sur votre compte l’euro retenu par consultation.

 

Mais.. Docteur, je ne vois pas pourquoi je dois payer quelque chose, on m’a dit que c’était gratuit maintenant. Je ne comprends pas, ils ont dit qu’on ne payait plus chez le médecin. De toutes façons, je n’ai pas d’argent sur moi pour vous payer, docteur, vu que c’est écrit partout qu’il n’y a plus besoin de payer chez le docteur.

Au fait, vous veniez consulter pour quel souci de santé ? Parce que, maintenant qu’on a abordé le problème administratif, il vous reste juste 3 minutes. Vous avez mal la, la, et la ?. Ecoutez, aujourd’hui, nous traitons le motif de consultation le plus urgent. Vous reviendrez me voir pour vos autres problèmes, mais alors surtout avec les bons documents administratifs, ça nous gagnera du temps que l’on pourra consacrer à faire de la médecine. Reprenez rendez-vous tout de suite, le prochain rendez-vous est assez rapide, je crois qu’il y a des désistements dans 3 semaines.

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Le problème n’est pas le tiers payant. Le problème n’est pas exactement « qui paie le médecin ? » mais « comment un médecin peut-il indéfiniment fonctionner correctement avec des tarifs déconnectés du coût de sa pratique surtout si on lui ajoute des heures de travail administratif.

Les actes gratuits non facturés actuellement (par respect pour le patient), ce sera fini. Après un tel parcours du combattant recommencé à chaque consultation, dès lors que les bons documents seront présents, les médecins ne se gêneront pas pour faire rémunérer TOUS leurs actes. Ce sera une sorte d’auto-financement légal du travail supplémentaire. Dont on accusera les médecins, très certainement.

Et puis les consultations à 3 motifs ce sera fini! Avec le TPG on pourra faire revenir les patients, pas de souci.

A l’heure actuelle, le dogmatisme fait passer totalement à la côté de la vraie question, qui n’est pas le tiers-payant en lui-même. Une majorité de médecins est d’accord pour appliquer le tiers payant, mais à 2 conditions, qui n’ont pas été discutées

  1. L’assurance d’être payé Les médecins sont comme les autres. Ils n’ont aucune raison de travailler gratis, du simple fait qu’ils se consacrent à la santé des autres.
  2. La simplicité d’exécution, n’obligeant pas à des heures de travail supplémentaire pour que le point 1 soit effectif. Les promesses de simplification semblent bien trop pompeuses pour être crédibles, quand on connait l’inconséquence de ceux qui mettent en place le tiers payant à marche forcée sans avoir envisagé les modalités pratiques auparavant.
25 février 2015 3 25 /02 /février /2015 22:53

20 fois Merci, Madame la Ministre et son gouvernement, d’être si attentifs à aider les médecins…

  1. Nous ne savons pas écrire lisiblement, aussi nous obligez-vous à nous informatiser
  2. Nous adorons naviguer sur le net, alors vous nous avez créé un espace spécifique dans le site de la sécu . Vous l’avez nommé espace PRO, (ce qui veut dire : espace PROblème).
  3. Nous ne savons pas gérer l’argent, aussi avez-vous décidé qu’il serait mieux pour nous de ne plus faire régler les patients, ainsi nous n’aurons plus de chèques à déposer à la banque, ni de règlement par carte à encaisser
  4. La banque nous prélève un pourcentage sur les règlements par carte bleue et nous allons donc faire des économies en pratiquant le tiers payant
  5. Il y a un truc que vos prédécesseurs nous ont accordé il y a bien longtemps, nommé les dépassements d’honoraires, et mais vous trouvez que nous sommes incompétents à en gérer les montants nous-mêmes, aussi vous nous avez offert de les mettre sous votre contrôle en nous indiquant votre échelle de référence qui serait financièrement plus acceptable que la nôtre.
  6. Pour soigner nos insomnies, vous proposez aux libéraux de sublimer leurs difficultés de sommeil, en leur demandant d’assurer des permanences de soins jusqu’à mi-nuit
  7. Mais en même temps, vous avez pitié des médecins de SOS médecins, et vous leur proposez de dormir la nuit à la place d’aller faire des consultations d’urgence
  8. Mais en même temps, vous avez pitié des urgentistes hospitaliers, et vous demandez aux médecins libéraux de les décharger des patients grippés en voyant plus de patients en ville. De toutes manières, c’est juste pour faire l’arrêt de travail, alors 23 euros pour ça, c’est presque trop bien payé.
  9. Vous trouvez plein de moyens de nous offrir du travail supplémentaire: recevoir plus de patients, mais aussi faire plus d’administratif… selon vous les médecins devraient vous bénir de ne pas connaître le mot chômage. Selon vous, l’important est d’avoir du boulot, y compris s’il n’est pas ou mal rémunéré.
  10. Afin que nous ne restions pas enfermés dans notre tour d’ivoire, indifférents au monde, vous permettez à tout à chacun d’avoir accès librement à nous comme il veut, autant qu’il veut.
  11. Afin de nous convaincre que nous devons répondre à toute demande urgente quelle qu’elle soit, vous approuvez quand les médecins ont des ennuis parce qu’ils n’ont pu se libérer dans l’heure suivante pour rédiger un constat de décès. Ainsi vous oeuvrez à nous convaincre que nous sommes aussi indispensables aux morts qu’aux vivants.
  12. Vous aplatissez (à votre manière) les obstacles d’accès aux soins (méthode : en aplatissant les médecins ...)
  13. Pour aplanir les obstacles d’accès aux soins, vous nous faites notamment élargir les couloirs de nos cabinets, enlever les escaliers d’accès. Ainsi les handicapés ne pourront toujours pas prendre le métro, mais au moins pourront-t’ils se consoler en venant rouler dans les cabinets médicaux
  14. Vous avez pitié de notre solitude, aussi vous insistez pour que nous nous installions dans une maison de santé, surtout si elle se trouve dans un désert désigné par vous
  15. Vous compatissez sur notre petit temps de loisirs en nous proposant une saine occupation, pas fatigante physiquement : traiter la paperasserie administrative après les consultations
  16. Vous faites tout pour nous soulager de la prise en charge des malades : les faire vacciner par d’autres, assurer leur suivi par la sécurité sociale
  17. Vous êtes convaincue que nous ne savons pas prescrire correctement des médicaments, aussi vous nous soulagez en déléguant à d’autres de le faire à notre place
  18. Vous embauchez plein de gens que vous mettez dans des bureaux hors de notre portée, et vous voudriez les charger de décider complètement où et comment nous devrons nous installer, afin de nous éviter des décisions erronées sur le choix de nos lieux d’exercice
  19. Vous subventionnez des tas d’agences avec des tas de gens dedans, des gens n’ayant aucune idée de la manière dont se passent nos journées de consultation, occupés à réfléchir et pondre des tas d’ avis techniques sur la manière de faire la médecine, comment soigner, et à nous expliquer en quoi consiste un parcours de soins d’un patient
  20. Vous créez des groupes de « travail », HAS , INCA, Cancéropôles, composés de gens ayant beaucoup de temps pour élaborer des référentiels et nous affirmer que la médecine c’est très simple du moment que l’on applique leurs protocoles à la lettre.

 

Aucune autre profession ne pourra se vanter de bénéficier sans avoir rien demandé, d’autant de conseils, de normes, de règlements, de directives et de contraintes que la nôtre. Aucune autre profession ne peut se dire encadrée par tant de gens n’ayant pas la moindre idée de ce que peuvent vivre en réalité les acteurs de terrain.

3 février 2015 2 03 /02 /février /2015 23:14

Normalement, il avait le troisième rendez-vous de l’après-midi. A ce stade de la consultation, un lapin vous fait poireauter pour rien. Pas encore de retard à résorber et pas le temps de caser une  tâche administrative.

Il s’est tout de même pointé, mais avec 2 heures de retard...

Mon  retard du jour était supérieur à l'habitude. Il faut dire que voir successivement dans la même après midi un patient avec un cancer du colon et dubitatif sur l’intérêt de la chirurgie, puis une femme jaune/orangée comme un phare tellement elle avait un obstacle biliaire, puis une douloureuse depuis 20 ans qui voulait guérir en une seule séance, ça prend plus de temps que prévu. retard-copie-1.JPG

Et donc, lui, débarquant avec ses 2 heures de retard, il m’a chopé au sortir du cabinet,  dans le couloir, et m’a intimé l’ordre de le prendre en consultation sur le champ.

J'ai expliqué que non, pas possible avec encore 5 patients dans la salle d’attente et moi-même du retard. Lui ai proposé de revenir à la fin de ma consultation.

Et la, il a tapé le scandale dans la salle d’attente. Genre, je ne vais pas attendre 2 heures pour vous voir, c’est inadmissible.  Genre, j’ai d’excellentes raisons d’être en retard, moa… . Je suis venu de loin, je me suis trompé sur l’heure, et je dois impérativement vous voir.

Pas moyen de lui faire entendre que mes raisons de ne pas le prendre immédiatement étaient aussi excellentes  que les siennes d’être en retard.  

Il a gueulé, mais finalement s’est incliné en grommelant, sentant combien ses cris dérangeaient la salle d’attente. Il  est revenu en fin de consultation.  Ne s’est pas préoccupé un seul instant de réaliser qu’à cette heure tardive, le recevoir en plus, c’était (une fois de plus) sacrifier le diner avec ma famille. Ma famille, hélas, sait depuis longtemps que je serai la à 9  heures quand j’ai promis de rentrer à 8 heures…

C’est alors que je me suis vraiment interrogée. Pourquoi pratiquement aucun patient ne perçoit t’il qu’une journée de consultation s’apparente à une épreuve d’endurance physique, mais surtout psychique.

Les perceptions de notre suractivité par les patients sont surtout négatives. C’est notamment 1- d’avoir fait le poireau longuement en salle d’attente et 2- qu’on refuse de les voir quand ils débarquent n’importe quand.  L’attente prolongée en salle d’attente, le refus d’être vu juste au moment ou l’on en ressent  le besoin sont toujours perçus comme inadmissibles, et toujours rattachés à la responsabilité voire la faute du praticien.  Pas un patient dans ces cas ne ressent d’empathie pour le médecin et sa surcharge de travail. Peu comprennent que l’on refuse un rendez-vous immédiat non parce qu’on va faire des courses, mais parce que tous les rendez-vous disponibles sont pris.

En fait, les médecins sont des acteurs merveilleux. Capables de faire abstraction de la réalité au point d’avoir appris à ne pas donner  à nos patients l’impression d’être débordés.   Même quand nous avons une heure de retard et une salle d’attente remplie à ras bord,  aucun patient ne nous trouve suants, débraillés, décoiffés, harassés,  grincheux, au moment ou il s’installe dans notre  bureau.  La longue formation médicale, le contact avec la vie, la mort, la dureté, l’intolérable, nous a enseigné la maitrise de nos émotions. Nous savons garder la tête haute, nous mettre à l’écoute de chaque individualité rencontrée, et avons développé une incroyable compétence à donner à chaque patient le sentiment d’être notre seul cas de la journée.  Ayant intégré la nécessité de ce rôle de composition, chaque médecin montre ainsi une aptitude incomparable à changer de rôle face à chaque personne rencontrée, chaque praticien est passé maître dans l’art d’étouffer sa fatigue, de faire taire les émotions générées par le cas précédent.  Nous sommes de tellement bons acteurs que nos patients ne perçoivent pas l’intensité de notre boulot.  

De ce fait, si  nous exprimons les émotions et le malaise de la profession, comme maintenant avec nos grèves, nos refus d’une loi,  les patients ne comprennent pas bien la raison de nos doléances, tant nous apparaissons comme des personnes d’humeur plutôt égale, d’écoute sereine,  de contact assez facile,  généralement bien disposés à l'égard des malades, et jamais harassés ..  comme si finalement, nous n’avions pas vraiment un boulot de fou. la-forme.jpg

14 septembre 2014 7 14 /09 /septembre /2014 23:48

 montagne-papier-bureau ~DM051207 003   Consultations qui s’enchainent, malades chroniques que l’on n’a pas le temps d’écouter et de prendre en charge globale, interruptions téléphoniques itératives, piles de courriers, de papiers à remplir, tracasseries administratives multipliant les documents à compléter. C’est la vie du médecin de ville français. Auxquelles on ajoutera pour les médecins hospitaliers, les multiples commissions obligatoires, les contraintes horaires incompressibles des blocs, la charge des patients hospitalisés à gérer, les pages de documents à fournir avant un acte technique, les innombrables informations à donner, et on en passe.

 

   Avec tout ça sur le dos, ou est le temps pour  écouter les patients ?  Il est plus rapide et facile de classer dans la case « psychosomatique »  ceux qui ont des plaintes insolites ou récurrentes. Les malades chroniques venant chercher une écoute repartent frustrés par des temps de dialogue écourtés, entrecoupés d’appels téléphoniques et de préoccupations organisationnelles, papiers à remplir, rendez-vous à gérer. Les malades poly-pathologiques sont traités au coup par coup, se voyant ajouter de ci- de la un médicament additionné à une liste déjà longue. Pour raccourcir la liste des médicaments, il faudrait du temps, afin de réévaluer les indications puis expliquer.

 

   Une journée de consultation, c’est du travail à la chaine. Les patients se sentent par trop déconsidérés par le corps médical… mais sont loin d’imaginer  à quel point les médecins ressentent leur propre déshumanisation. On demande aux médecins d’être efficaces, scientifiques, humains, de faire tout ce qu’on attend d’eux, de faire toujours plus, de rendre service à tous, de ne jamais dire non, d’accéder rapidement à toutes les demandes, d’être disponibles jour, nuits, week-ends et vacances, d'être partout, y compris ou il n'y a plus de poste, de magasin, d'école.

  

  A force d’être au service de la santé des autres, d’assumer un nombre croissant de devoirs tant médicaux qu’extra-médicaux, d'avoir l'obligation faire toujours mieux et plus vite pour des gens qui trouvent tout effort de la part du médecin normal et considèrent le dévouement médical comme un du,  les médecins se désillusionnent sur le métier qu’ils ont choisi. Certains d'entre eux en arrivent à penser  que toutes ces injonctions constituent d’une certaine manière une forme  de servitude.

 

   Il faut comprendre qu’on ne peut pas avoir l’esprit libre pour s’intéresser au patient quand on a perdu la liberté, quand on est sous contrôle standardisé et centralisé, quand on a le cerveau occupé par de multiples tâches bureaucratiques et organisationnelles.   Et quand on se voit en permanence débouté du droit d’écouter ses propres besoins, sa fatigue physique et émotionnelle.

  équilibre

 

   Une réforme sérieuse de la santé devrait prendre en compte le gaspillage de la ressource précieuse (et limitée) que constitue le temps médical. Comprendre qu’il n’est pas étonnant que les patients essayent de trouver ailleurs ce qu’ils espèrent de la relation de soins, car les médecins surchargés n’ont tout simplement pas le temps de les écouter. Comprendre que si les patients estiment que la relation de soin a une grande valeur pour eux,  ils serait raisonnable de leur expliquer qu’ils seront obligés d’être prêts à payer pour obtenir ce qu’ils espèrent.

 

Une réforme sérieuse de la santé devrait prendre en compte une volonté politique de considérer le temps médical. De ne pas le dilapider dans les préoccupations administratives. De ne pas le dilapider en laissant chaque patient accéder comme il veut pour des soins pas forcément urgents.

 

Une réforme sérieuse de la santé devrait analyser les tâches qui se sont petit à petit accumulés sur les épaules des médecins, et y mettre de l’ordre. Médicament pas en stock : le pharmacien appelle le médecin. Problème de remboursement avec la sécu : le patient appelle le médecin.  Télétransmission qui ne marche pas : appel du médecin, car la sécu a dit que c’était de sa faute. Pas d’infirmière ou de kiné disponible : appel du médecin. Résultats attendu sous 10 jours : appel du médecin tous les jours à partir du 5ème jour. Sortie d’hôpital : appel du médecin. Médicament ne marche pas comme espéré : appel du médecin. Jour ne convient pas pour un rendez-vous : annulation 10 minutes avant. Consultation chez le spécialiste : aucun document apporté. Départ en vacances imminent : demande de consultation urgente. Retour de vacances : demande de consultation urgente. Maladie en ALD, plan interminable à compléter par le médecin directement sur le site de la sécu. Et à l’hôpital ? pareil. Patient pas la, on demande au médecin pourquoi.  Patient sort, seul le médecin peut et doit faire un bon de transport.  Même s’il doit traverser tout l’hôpital pour cela. 

 

Personne pour dire que cette liste de tâches extra-médicales (bien incomplète d’ailleurs) est une utilisation inappropriée du temps médical ? Personne pour comprendre qu’avec toutes ces charges sur les bras, comment le médecin pourrait- il toujours prendre le temps non seulement d’être à l’écoute, mais aussi de réfléchir sereinement. Car les diagnostics nécessitent l’activation des connaissances, ce qui ne saurait se faire quand de multiples interruptions viennent parasiter la réflexion.

Contrôler les dépenses de santé est obligatoire. Ce n’est pas en accablant le corps médical de tâches non médicales que cela se produira. Ce n’est pas en pensant que le médecin peut être plus "productif" que la qualité médicale sera assurée.  Les tutelles en font leur devise, les patients le réclament: "le patient au centre du système de soins" . Mais la solution demandant au médecin de tout assumer pour cela n'est pas magique, au contraire, c'est une grave erreur politique.  Associer ces 2 concepts, médecin et productivité, induit l'accablement du corps médical, et aboutit à obtenir l'effet inverse de ce qui était escompté. Le professionnalisme médical ne peut s'exprimer que dans la sérénité, et finalement, à l'heure actuelle, toutes les interférences dans la relation médecins-patients ont fini par mettre souvent le patient à l’arrière plan des priorités des médecins, et cela bien malgré eux, dont la volonté reste toujours de soigner au mieux. 

 

23 août 2014 6 23 /08 /août /2014 18:13

Quelle est l’implication des médecins, non pas en tant qu’individus, mais en tant que groupe professionnel,  pour répondre aux attentes prioritaires des patients les consultant ?

Sans aucun sondage, je dirais que les patients attendent :

 

1- d'être traités le mieux possible selon les progrès de la science et de la médecine

2- d'être écoutés avec considération, entendus dans leurs plaintes, et guidés dans leur parcours de soins

 

Ca paraît simple!  Pourquoi autant de difficultés avec ça, voire de polémiques ?

 

1-      Examinons la première attente des patients: « être traités le mieux possible selon les progrès de la science et de la médecine ». Centrons la réflexion sur le seul sujet du médicament.

 

L’idée de base d’un patient est la suivante : Les médecins sont formés aux progrès de la science et de la médecine. Donc, par définition, leurs prescriptions médicamenteuses sont irréprochables !

 

Et, en effet, la formation médicale est centrée sur les indications des traitements. En matière de prescription de médicament, le seul à avoir la science, la connaissance, la compétence pour prescrire est le médecin. Personne d'autre qu'un médecin n'est autorisé à signer une ordonnance.

Si plusieurs parties de l’acte médical peuvent désormais être déléguées (l'administratif, l'information, la reprise d'explications, des reformulations), aucun paramédical ou administratif n’est autorisé à intervenir dans le champ de la prescription médicamenteuse. Seul un médecin est habilité à prescrire

 

Pourtant, cette force théorique, les médecins ne l’exploitent pas…

Une de leurs spécificités est la prescription médicamenteuse, et ils devraient y être irréprochables

Or dans la vraie vie, ce n’est pas démontré.

 

A l'hôpital , l'amélioration des prescriptions hospitalières est obtenue non pas du fait de la prise en main du sujet par les médecins, mais par l'encadrement des pratiques prescriptives, notamment grâce à l'informatisation, et au contrôle pharmaceutique. L'ordonnance de sortie est négligée. Elle omet une partie des médicaments pris avant l'hospitalisation, les noms des traitements d'entrée sont modifiés, les compte rendus d'hospitalisations et les lettres aux médecins traitants oublient la plupart du temps de donner des explications et compréhension sur les changements thérapeutiques.

 

En ville, l'articulation de la pluridisciplinarité est le quotidien des médecins généralistes. On convient que c’est complexe. Pour autant, articuler les différentes pathologies de leurs patients mériterait souvent mieux que d'additionner des molécules, générant des ordonnances longues, trop longues, des interactions négligées, et des indications pas assez remises en cause. De nombreux traitements sont trop prolongés. Les associations médicamenteuses ne sont pas assez prises en compte. L'inspiration de ce post. Un tweet de Docteur V: «  93a Coumadine Advil Inexium et le reste »  Quelles justification à ce genre de mélange si risqué  à un âges si extrême ?

 

Alors qu’ils détiennent un pouvoir phénoménal en étant les seuls détenteurs de la connaissance du médicament, les médecins se mettent en position de  faiblesse… Ils n’ont pas souhaité ou pas su se mobiliser et définir et assurer sous le contrôle de la profession,  la maîtrise et le suivi des critères qualités de leurs prescriptions. Ce sont donc les tutelles qui ont légiféré pour encadrer les prescriptions médicamenteuses.   

Pour les structures hospitalières, depuis 2005, par décret, le « contrat de bon usage du médicament » a fixé pour objectif, d'améliorer le circuit des produits de santé administrés à l’hôpital, -en particulier leurs conditions de prescription et de gestion

Les missions des contrats de bon usage (renouvelés chaque année depuis 2005) sont nombreuses, et imposées aux établissements de santé. Ayant  travaillé sur ce sujet, j’ai pu constater le manque d’implication du corps médical dans le bon usage du médicament à l’hôpital.

Du coup,  contraintes et menaces s’imposent aux médecins, alors qu’ils pourraient le faire de leur plein gré, s’agissant de ce qu’ils savent faire.

 

Pour la ville, l'encadrement des pratiques de prescription médicale est imminent...  ce sera plus voyant qu'en établissement hospitalier, car cela s'adressera directement aux médecins sans passer par les filtres des directions et pharmacies.

Là encore, contraintes et menaces seront au rendez-vous, et une réaction indignée du corps médical est à prévoir.

Et dans certaines situations, s’indigner est un aveu de faiblesse. Tous les médecins savent les imperfections de nombreuses ordonnances. Or elles devraient avoisiner la perfection pour une raison simple : Parce que prescrire des médicaments est une prérogative fondamentale et irremplaçable des médecins, nécessitant 10 années d'étude.  Impossible de retirer  cette compétence au corps médical.

 

Sur le point de la prescription, je pense que le corps médical se met en position de faiblesse, alors qu’il détient une force potentielle. Marquer la vraie spécificité de la profession en faisant son affaire de la qualité des ordonnances, sans laisser la tutelle gérer des obligations et des contrainte eût été bien plus porteur de progrès. 

Si les médecins étaient plus proactifs sur le sujet du médicament, ils trouveraient un bon moyen de rappeler à quel point ils sont irremplaçables, à quel point il serait opportun qu'on les soutienne au lieu de laisser un auditeur extérieur les surveiller, et les sanctionner.

 

2-      Examinons maintenant la seconde demande des patients, « être écoutés avec considération, entendus dans leurs plaintes, et accompagnés dans leurs parcours de soins ».

 

La relation humaine en consultation est une spécificité, et les patients estiment que les médecins devraient y être particulièrement performants.

En réalité, les médecins ont peu de formation psychologique, et leur relation avec les patients est trop souvent parasitée par leurs propres affects. Particulièrement en cas de maladie grave, les médecins sont dans un relationnel « tripal ». Or, justement ce qu'attendent les soignés, ce n’est pas que le médecin y mette son cœur et ses tripes. Ils attendent qu’on tienne compte en priorité de leurs ressentis et de leurs émotions à eux, en tant que malades. 

 

J'incite à aller lire les écrits de Martin Winkler. Même si à mon sens, il cogne indistinctement et trop fort sur les médecins, car il les croit capables de prouesses relationnelles que certains n'ont pas acquises, il a beaucoup raison. Je n'ai pas les compétences pour donner des leçons de relationnel en consultation. Je m’y suis pourtant formée, et ai apprécié d’apprendre des techniques de communication avec les patients. Et puis, surtout, j’ai expérimenté personnellement une annonce épouvantable, et ça marque pour toujours. C’est trop souvent ainsi, allez voir sur les forums de patients… (http://www.forum-thyroide.net/index.html?http://www.forum-thyroide.net/phpBB/login.php?redirect=viewtopic.php&p=304149#304149)

 

La prise en charge des patients, c’est aussi l’aide au parcours de soins. Pourquoi les médecins ne s’emparent t’ils pas du sujet ?. Pourquoi le corps médical rejette t’il en bloc les possibilités qu’on lui offre de définir le dossier médical partagé, de participer à sa construction. De toutes manières il devra le faire in fine, c’est le sens du progrès, des demandes de leurs malades, des tutelles. Là encore, les médecins qui peuvent détenir une force incalculable en maitrisant le sujet se retrouveront accablés, sous la contrainte et les exigences du législateur et le feront de mauvais gré (et mal ?)

 

Sur le  point  du parcours de soins, je pense que les médecins font une seconde erreur. Marquer leur vraie spécificité en s’attachant eux-mêmes à mettre en place un dossier partagé sans hurler sans cesse au loup pour ça,  serait un bon moyen de rappeler à quel point le corps médical est  irremplaçable, à quel point il serait opportun qu'on le soutienne au lieu de laisser un auditeur extérieur les obliger, les surveiller, et les sanctionner.. La proactivité seule permettrait un dialogue constructif autour de la rémunération d’un travail supplémentaire et reconnu. http://farfadoc.wordpress.com/2014/07/17/rustineuse/

 

Reprendre en main son destin : pourquoi être l'objet de tant de critiques et de contrôles ? Démontrer que nous sommes irremplaçables ?


Je suis de plus en persuadée que la solution de sauvetage pour le corps médical consiste à savoir mieux démontrer les points sur lesquels nous sommes « irremplaçables » ( ne suis pas la seule optimiste, cf http://sommatinoroots.blogspot.fr/2014/08/le-pied-dans-louverture-de-la-porte.html)

Nous devrions nous acharner à faire savoir notre savoir-faire…

Pour cela, il faudrait que la profession accepte de s’emparer des sujets qui lui sont spécifiques, afin de les valoriser, tels la prescription, la relation, le dossier partagé.

Si les médecins faisaient leur affaire de la qualité de ces prestations, en décrétant que ce sont des priorités de la profession, en mettant en sourdine leurs lamentations sur toutes les vilenies qu'on leur inflige, non seulement ils pourraient commencer à reprendre en main un destin qui, en l'état actuel, leur échappe, mais ils pourraient aussi expliquer clairement, et plus que probablement avec le soutien des patients, que toutes ces actions…c’est du temps et donc du financement.

16 juin 2014 1 16 /06 /juin /2014 22:40

Voici pour finir,  3 dernièrs curriculums. Finalement, j'en avais annoncé 9, mais un dixième est venu s'ajouter in extremis.


 

8- Les hospitalophiles : Pourquoi sont ils restés à l’hôpital ? Pour certains, l’exercice hospitalier est leur unique conception de la médecine. Pour d’autres, la peur de se lancer dans la vie libérale, et ses aléas, répercutés dans les médias. Pour d’autres encore, l’envie de prestige qu’ils pensent trouver dans la carrière. Parfois, seules des opportunités de poste attractif les ont fait rester, le hasard en quelque sorte. Les hospitalophiles ne sont finalement pas très différents des libéraux, même si on trouve nombre d’entre eux dans la catégorie prestigeophiles. On rencontre  des hospitalophiles consultophiles et des consultophobes. L’intérêt d’être un consultophobe salarié étant de pouvoir se tourner facilement, sans risque financier, vers un autre mode d’activité. Logistique, organisationnel, CME, congrès, recherche, littérature médicale, médias, médecinophilie… Envers les médecins de la ville, les hospitalophiles se répartissent en 2 sous catégories : les libérauphiles, et les libérauphobes. Les uns admettent, voire disent comprendre, les difficultés de l’exercice de ville, tandis que les autres sont impitoyables envers leurs collègues libéraux, masse impalpable et inqualifiable des médecins du dehors bons à soigner des grippes et des gastroentérites.

 

9- Les tutellophiles : Les tutellophiles que l’on pourrait éventuellement nommer égophiles vont s’employer à trouver un statut qui les met à l’abri de la consultophilie, et de la médecinophilie. Pour nombre de leurs confrères, ils représentent un groupe de médecins plus centré sur une carrière indolore, non confrontée aux rugosités de l’exercice quotidien. Etre tutellophile est un challenge, dans lequel il faut assumer les critiques des pairs. Une partie non négligeable des tutellophiles ont commencé leur carrière par l’exercice médical de terrain, plus ou moins long, parfois même endeuillé d’un passage par la consultopathie. Le statut qui les rassure passe par un éloignement radical du stress médical des consultations. Pour autant, leurs pôles d’intérêts restent prioritairement médicaux. On les retrouve donc dans les instances et les tutelles, voire les ministères. Arrivés dans ces sphères un peu cotonneuses, éloignés des préoccupations quotidiennes de la consultation et des aléas de la vie médicale de terrain, ils peuvent en venir plus ou moins rapidement à sublimer leur passé de médecin praticien, à penser que tout était simple, à oublier qu’ils sont arrivés là au terme d’une consultopathie plus ou moins prolongée et sévère. Du soin, ils finissent par ne voir que les évènements indésirables. Le risque est fort après quelques années de se laisser glisser de la tutellophilie à la tutellopathie et de dénigrer systématiquement la profession. C’est une évolution redoutable du tutellophile trop éloigné du terrain et contaminé par les administratifs non médicaux.  

 

10- les confuciusophiles: pour terminer sur une note de sagesse, il y a aussi des médecins qui pensent qu'aujourd'hui comme hier, il y a du bon et du moins bon. Certes les patients sont devenus des consommateurs de soins qui désirent un médecin disponible à toute heure, alors que le temps des généralistes dévoués 30 heures sur 24 est révolu. Mais la société s'adapte à ça. Et les médecins sont en passe de le faire, même si c'est parfois avec plus de souffrance que les vendeurs qui veulent travailler chez Akei le dimanche. Certes les patients exigent du soin et des traitements, mais on ne meurt plus de l'appendicite, ni de tuberculose, et même on guérit bon nombre de cancers. Certes il est dur d'être libéral, et comme la colonne des dépenses est souvent hypertrophique, et préoccupante, la seule manière de gagner plus est de travailler plus. En même temps, à la fin du mois, le revenu de la plupart des médecins est assez correct. Certes les tutelles sont omniprésentes, mais elles font plus de bruit et de peur que de mal réel. Certes, la contrainte est partout, dans les cabinets médicaux, dans les maisons médicales, dans les établissements, mais la période est à vivre dans un monde organisé, soumis au  principe de précaution, et le contrôle est partout, pas seulement chez les médecins.

Les confuciusophiles préfèrent ne pas dramatiser. Leur plus gros handicap, bien sur, l'inertie. Leur sagesse est pesante pour ceux ayant un tempérament à se battre. Les médicophiles syndicalistes, s'irritent fort de ces confuciusophiles qui refusent de combattre, qui s'évertuent à être convaincus de leur capacité à passer entre les gouttes, en continuant de mener la vie médicale et même extramédicale qui leur convient. Les adeptes d'une certaine dose de sagesse continuent malgré tout d'estimer qu'aucun ouragan ne se produit vraiment, que les changements se font insensiblement dans une sorte d'inéluctabilité qu'ils ne pensent pas pouvoir enrayer. Les confuciusophiles connaitraient t'il le dicton de Confucius ? .. "tout s'arrange, même mal".

 


En chaque médecin sommeille un peu de chacune des catégories des curriculums. Un trait de caractère prédominant, mais des zestes de tous les autres curriculum. On ne peut pas faire de ces individualités si composites un groupe homogène dit « les médecins » ou «  le corps médical ». Avis à ceux qui pensent pouvoir gérer la médecine et les médecins comme si tous avaient une pensée et une manière de faire uniques.

 pyramide_personnalite.png

 

Espérant vous avoir amusés

Mrn Lgn


 

16 juin 2014 1 16 /06 /juin /2014 22:36

Ce soir, le troisième et avant dernier volet des curriculums !

 

5- Les barbarophiles : ils voient des symboles partout. Et se complaisent à prédire en boucle que la médecine va droit à un tonnerre de catastrophes, et ce sera bien fait, parce qu'ils les ont prévues et annoncées. Tout fournit prétexte à trouver des symboles de l’aliénation des médecins à la puissance administrative. La médecine se barbarise. Voici venue ou en train d'arriver la médecine normatisée, le pouvoir des agences sur les individus, l’impact de Big Pharma, la financiarisation du soin. Dans tout évènement, les barbarophiles décèlent un nouveau témoignage de l’aliénation de l’indépendance des médecins, des attaques récurrentes dont ils sont l’objet, de la perte de sens de la médecine induite par des décideurs normatifs. Ils n’auraient jamais fait de cette manière, et de principe, se rebellent contre tout ce que l’on fait subir au corps médical. Ce sont aussi des médecins qui aiment faire connaitre leurs opinions aux pairs, soit de manière visible en militant syndicalement, soit par le moyen de l’écriture sur les réseaux sociaux.

   

6- Les prestigeophiles : eux aussi ont envie de secourir, mais tant qu'à préserver, à valoriser certains points vues, ils ne voient guère mieux que le leur. Pour se reconnaitre et se valoriser à leurs propres yeux, les prestigeophiles ont besoin d’être reconnus des autres. Ils mettent en œuvre toute l’énergie nécessaire pour être connus, admirés, adulés par une audience la plus large possible. Chacun estimant à sa manière la valeur qu’il espère se voir accorder, les prestigeophiles se présenteront sous différents costumes. Le  titre de professeur est le symptôme le plus voyant. Les gros titres presse, les listes interminables de publications, les places d’honneur dans les congrès sont aussi des preuves tangibles du prestige, de l’estime professionnelle et de la reconnaissance de leurs pairs.  D’autres iront sauver les pauvres, une manière d’être admirés pour leur altruisme, leur dévouement et leur courage. Enfin, certains, plus discrets, moins portés sur la valorisation intellectuelle pure, se reconnaitront prestigieux dans une valorisation financière. Une partie de ceux qualifiés de « gros dépasseurs » sont probablement des médecins ayant une haute estime de leur propre valeur.

 

7- Les businessophiles : ou l’art de rester centré sur la pratique médicale, tout en la dématérialisant. La santé numérique est le terrain de prédilection de ceux qui pensent faire de la santé une affaire. Rêvent parfois au passage parfois d’y faire des affaires ou bien de devenir de célèbres précurseurs d'inventions voire de découvertes numériques éblouissantes. Véritables entrepreneurs de la santé, convaincus que le bien-être de tous passe par des méthodes industrielles et rentabilisables, ils travaillent sans relâche à tisser les liens numériques tant espérés des patients et des tutelles. Ils savent qu’il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Qui de son site, qui de son logiciel médical, qui de sa trouvaille numérique, qui de son DMP. Auprès de ces médecins là, les patients trouvent une vraie place.  Tout autant que le businessophile,  bien des patients sont convaincus que la technicité n’apportera que du bien-soigner et du mieux prendre en charge. Ces adeptes de la consultation dématérialisée, de la question posée jour et nuit, du dossier commun partagé en temps réel, cliquent et échangent leurs pensées en direct sur Twitter, n’étant jamais à court d’idées novatrices ou de scoops informatifs. L’un des bien-fondés de la technique, - de leur point de vue-  serait de libérer du temps médical et ainsi les médecins pourraient consacrer écoute attentive et temps paisible aux patients.  

16 juin 2014 1 16 /06 /juin /2014 22:32

Deuxième série de curriculums médicaux.


3- Les médecinophiles:   Ce sont aussi des sauveurs. En revanche, leur idée du secourisme est différente de celle des consultophiles. Ce quE veulent sauver les médecinophiles, ce ne sont pas seulement les patients, mais  la profession. Ils sont militants, syndicalistes, voire bloggueurs. Les médicophiles sont des Smuristes, capables de sortir de leur bureau, pour aller se confronter, voire affronter le système lui-même. Le sentiment de devoir accompli passe par la sublimation dans l’action au profit de la profession et du système. Etre médecinophile implique un certain état de rébellion, et la conviction de l’impact positif sur le plus grand nombre des actions que l’on met en œuvre. Mais un médecinophile peut aussi être conventionnel, respectueux des lois, et de la tutelle, qu’il tentera alors de concilier avec la profession.  

Ceux qui sont convaincus que leurs actions pourront induire un bénéfice pour tous ne sont pas les plus nombreux, mais souvent parmi les plus remarqués. D'ailleurs,  certains sont remarquables, et deviennent de grands syndicalistes altruistes, et dévoués à la cause médicale. En revanche, tous ne sont pas forcément totalement altruistes pour autant. Les médicophiles de la ville ne volent pas obligatoirement au secours de la campagne, et réciproquement. Parce que l'esprit de clan reste souvent en filigrane, et peut les conduire à privilégier les intérêts de leur propre corporation. 

 

4- Les évidentophiles    Rassurés   par la stabilité du quotidien, ils ont un besoin permanent que rien ne change, et leur sécurité nécessite d'avoir toujours raison sur tout. Sur les méthodes de travail, sur la santé en général, sur le temps, sur les valeurs, le sens de la médecine. Le changement les met en danger, leur donne un sentiment de perte de contrôle, du coup, ils sont arc-boutés à la valeur qui les protège : la conviction d’avoir raison. Ce sont des médecins probablement autoritaires en consultation. Et des médecins qui s’expriment dans les médias.  La critique des confrères étant sanctionnée par le conseil de l’ordre, ils critiquent indirectement.  Les écrits sont fermes, normalement indiscutables, car l’évidence paralyse leurs démonstrations. Ils affirment, convaincus que leur attitude est forcément la bonne, même si ce sont des choix divergents, tels le refus de pratiquer certains dépistages, de prescrire des génériques, de faire des vaccins. Ce sont les plus prompts à taper sur l’ambulance, dans le style "si on veut des horaires "de bureau", fallait pas faire médecine, et surtout pas devenir généraliste". Ils consultent sans se demander s’ils aiment, ils ont raison, c’est tout. Ils ne voient pas l'intérêt d'être militant, étant donné qu'ils sont détenteurs des vraies raisons et ont un mal fou à en discuter. Les réponses qu'ils reçoivent représentent à leurs yeux une opposition contrariante à leur irréfutable raisonnement. Ils font souvent partie des répondants de la section commentaires, ou ils trouvent une place de choix pour annoncer leur vraies vérités sur chaque problème.  Parfois, ils finissent par se lancer dans l’écriture sous leur propre nom, protégés du fait que  les réponses contradictoires sont différées, ce qui laisse leur raisonnement intact à leurs yeux.   

 

Suite ... demain !

16 juin 2014 1 16 /06 /juin /2014 22:18

 

Des pions tous identiques, les médecins ? bien sur que non ! Ils n’ont pas tous les mêmes connaissances, ni une formation unique, pas même une vision commune centrée sur l’amélioration du système de santé.

Quelques points communs se trouvent dans les études longues, et l’acquisition d’une  vraie raison à s’occuper de la santé des autres. Pour autant, ce n’est pas seulement avec leurs seules connaissances médicales que les médecins pratiquent. C’est aussi avec leur cœur, leurs tripes, leurs convictions, et leurs croyances. Les médecins ont un curriculum caché..

 

Cette semaine, je publierai 2 à 3 curriculum médicaux par jour, pour arriver au total de 9. Voici donc les 2 premiers.


1.     1- Les consultophiles: artisans de la médecine, ils voient leur métier à travers la consultation et la prise en charge directe des patients. Les consultophiles sont des persévérants. Ils valorisent à la fois leur métier, et ses compétences. Le travail prend de la place, de plus en plus de place, chez certains une place quasi-exclusive. De  la place en terme de  temps, mais aussi de la place dans la tête.

Les consultophiles ont la conviction que leur métier fait inévitablement d’eux des sauveurs. Grands travailleurs, minutieux, courageux, dévoués, sauveurs, ils sont très occupés par leur métier.  Le triangle de Karpman, ils ne le connaissent pas, et se croient pour toujours à l’abri de la triangulation sauveur/victime/persécuteur.

 

Au fur et à mesure de l’avancée en âge, les consultophiles doivent composer avec leurs motivations, les limites qu’ils se mettent ou ne savent pas se mettre, plus les multiples aléas sur lesquels ils n’ont aucune maitrise, aléas qui viennent éprouver leur résistance dès lors qu’ils s’ajoutent à un temps contraint et un surtravail.

 

triangle-sauveur-victime.jpg

 

2- Les consultopathes:  Les consultophiles fragilisés peuvent évoluer en consultopathes : Se sentant  un jour dévalorisés dans leur position de sauveur, les consultophiles se réfugient alors dans un statut de victimisation. Le consultophile devient alors consultopathe.  Rien n’est plus assez beau pour lui. Les malades sont trop comme çi, pas assez comme ça, les demandes des patients sont excessives et sans fin, les patients sont agressifs et exigeants,  la vie libérale est dure, les frais trop élevés, les horaires à rallonge, les loisirs impossibles, l’éloignement intenable, les tutelles impitoyables…. La victimisation fait le lit de la désespérance, avant celui du burn-out. Le consultophile découragé trouve petit à petit tous les arguments lui prouvant que rien n’est plus à la hauteur de ses attentes, que la relation d’aide est exigeante, que les critiques incessantes sont injustifiées, que les médecins hospitaliers sont heureux, libres, et ne font rien. Cette pathologie du consultant surdosé, se manifeste par une victimisation répététitive. L’attente permanente de recevoir des égards qu’on lui refuse. Traduisant une intense douleur morale, le consultopathe fatigué trouve qu’on ne lui accorde pas l’audience, la respectabilité morale et financière à laquelle il est en droit de prétendre du fait de son investissement.

 

 

A force de se sentir dévalorisé, le médecin victimisé risque de glisser dans le rôle du persécuteur. Soit il se désintéressera des patients, devenant un médecin robotisé, distribuant les ordonnances et quelques réponses langue de bois. A moins qu’il ne devienne sa propre victime, et chavire dans un vrai burn-out, allant jusqu’au suicide.  Le dévissement de plaque et le passage au salariat constituent dans ce contexte un sursaut pour aller au-devant de nouvelles valeurs, et doivent être salués comme des vraies capacités de se remettre en meilleur accord avec soi-même.  

 

En chaque médecin sommeille un peu de chacune des catégories qui seront citées. Si vous ne vous reconnaissez pas aujourd'hui, ce sera peut être demain. 

20 mars 2014 4 20 /03 /mars /2014 23:38

médicamentUne fois encore, c’est un oubli et un hasard qui font avancer la connaissance médicale.  

 Voila un sujet, genre enfoncement de porte ouverte, mais qui ne pouvait être porté à l’écran sans une étude scientifique. En lisant, vous constaterez à quel point, vous aussi, pressentiez le dénouement. Le sujet est resté blindé tant que la science ne s’en est pas mêlée.

Alors, voici la question, celle que vous vous posez inévitablement devant toute boite de conserve, tout yaourt, et toute boite de médicaments… dont la date limite est dépassée. Est-ce que je peux encore manger ça, sans convulser ou faire une hépatite fulminante ou la gastroentérite infectieuse qui me mènera en réa ? Dois-je vraiment jeter un médicament dès la jour où sa date de péremption est dépassée ????


Franchement, le pharmacien magicien à l’origine de cette fameuse (re)découverte scientifique…eh bien, il ne  rangeait pas souvent son officine !  En effet, dans un amas de  vieilles boites de comprimés retrouvées dans ses fonds de placard, on dénicha un beau jour des molécules datant de 28 à 40 ans . Il y avait du (vieux mais beau) choix … paracétamol, codéine, méprobamate, phénobarbital, aspirine et une amphétamine.


Des pharmacologues s’empressèrent d’aller vérifier si les comprimés fabriqués dans les années 70-80 avaient l’esprit plus vif et une composition plus stable que le pharmacien qui ne jetait pas ses affaires.  


Oh,  quelle surprise! 28 ou 40 ans après leurs dates de périmation, les médicaments restaient pour la plupart parfaitement actifs, voire suractifs…. Sur les 15 principes actifs testés, 12 avaient une concentration permettant de les déclarer encore utilisables,  plus de  90% de la dose initiale . Et même, certains principes actifs étaient retrouvés à une concentration… de 110% !! c’est qu’en ce temps la, 28 ans ou 40 ans en arrière, les méthodes de fabrication n’étaient pas comme maintenant. Par ailleurs, on se fichait bien que le médicament contienne 90 ou 110% de principe  actif !

Les 8 médicaments, contenant ces 15 principes actifs pouvaient donc toujours être mis sur le marché !

Les seules molécules véritablement dégradées, contenant moins de 90% de principe actif,  étaient l’aspirine et une amphétamine


Enfin, donc, vous voila fixés. L'imprescriptible date de péremption en prend un sérieur coupVous ne psychoterez plus devant votre Paracétamol périmé, en endurant un mal de tête carabiné plutôt que de risquer mille morts dans des souffrances atroces avec un médicament périmé du mois passé.


Faisons un peu de scientifique, maintenant que vous n’avez plus mal à la tête.


Donc un médicament est périmé quand la concentration de la ou les molécules qu’il contient a baissé. En théorie, au dela de sa date limite, il risque donc d’être moins efficace, voire inefficace.


En matière alimentaire, dépasser la date limite peut constituer un risque bactérien. La trouille de la bactérie fatale tapie est bien la raison pour laquelle bon nombre des lecteurs de ce post balancent leurs yaourts à la poubelle dès que la date de péremption est dépassée d’une heure. Eh bien, sachez que vous avez tort de le jeter. En effet, le même yaourt, fabriqué le même jour, sur la même chaine de fabrication n’aura pas la même date limite de consommation pour les consommateurs métropolitains et pour les consommateurs antillais. Sa DLC est (très largement) prolongée quand il part aux Antilles. Et non, ce n’est pas l’antillais qu’on veut intoxiquer. C’est le métropolitain qu’on trompe.  A condition d’avoir respecté la chaine du froid, sachez que l'on peut consommer des yaourts et autres produits frais bien après la date marquée sur l’emballage.


On conçoit bien que l’industriel alimentaire a intérêt à tout mettre en œuvre pour vendre des trucs avec la date de péremption la plus courte. Un aliment jeté , c'en est un autre racheté.  


Pour les médicaments, il n’y a pas de risque bactériologique. Il faut seulement en garantir la stabilité.  Et la, on s’aperçoit alors d’un truc incroyable… pourquoi 2 ans, 3 ans, 5 ans ? réponse hyper-simple : c’est l’industriel qui décide du temps d’analyse de stabilité de ses médicaments.  Ca veut dire que la date de péremption ne correspond pas à une réalité de dégradation des molécules, mais tout simplement au temps pendant lequel l’industriel a vérifié que les composants du médicament restaient stables.


On voit bien que l’industriel du médoc a intérêt à avoir la date de péremption la plus courte. Un médoc jeté, c'en est un autre racheté.  


Maintenant que vous êtes tous d’accord de prendre vos médicaments au delà de la date limite marquée sur l’emballage, sachez que cela ne peut se faire qu’avec les vôtres, de médocs. En effet, même si la durée d’analyse par le laboratoire est déterminée par le laboratoire lui-même, la date de péremption a une valeur légale. Elle périme légalement le médicament, qui est alors interdit d’utilisation et dont les stocks doivent être détruits. (Autrefois, les médicaments périmés partaient vers les pays sous médicalisés, mais ce n’est plus autorisé, ce qui est très dommage étant donné qu’ils sont encore bons, mais l’industriel a intérêt à ce que se soit interdit.)


C’est avec cette histoire de périmation, qu’on s’est retrouvé en France à jeter les gigantesques stocks de Tamiflu. L’épidémie de grippe qui devait décimer la France ne s’étant pas produite, les étagères des pharmacies hospitalières se retrouvèrent encombrées de ces stocks inutiles inutilisés. Heureusement, la stabilité du médicament ayant été analysée sur un délai court, il fallut finalement tout jeter l’année d’après, ce qui libéra les armoires, mais plomba un peu plus encore les dépenses de santé.


Aux Etats Unis, la FDA a pris conscience du gachis. Elle élabore un programme « d’extension de la durée de vie des médicaments »  « Self- Life Extension Programme (SLEP) ».  Ansi, les médicaments soit-disants périmés sont retestés pour leur stabilité au delà des 5 ans habituels.  Et bien entendu, les études confirment que bon nombre de médicaments gardent leurs qualités 5 ans et même beaucoup plus après leur date de péremption. Du coup, ils peuvent prolonger de plusieurs années les dates d’utilisation de médicaments qui auraient fini jusqu’à présent dans l’incinérateur…


Les économies de santé, ça vous parle ? il faudrait que les dossiers d’homologation, obligent à  une étude de « stabilité-bis » matérialisée par une « date de contre essai » après la date de péremption pour que la durée d’utilisation des médicaments soit prolongée. .

 

 

Remarque sur la stabilité des médicaments :

Parmi les précautions nécessaires à la bonne conservation des molécules médicamenteuses, citons

-          les conditions de stockage : les médicaments se conservent mieux en athmosphère sèche (attention aux armoires à pharma dans la salle de bains)

-          leur forme galénique. Les liquides ne sont pas aussi stables que les solides.

-          Leur nature : la validité des antibiotiques est  beaucoup plus courte.

 

 

sources:

http://news.doccheck.com/fr/blog/post/966-peremption-des-medicaments-des-dates-prematurement-ecourtees/

http://www.lepoint.fr/editos-du-point/anne-jeanblanc/medicaments-le-gachis-des-dates-d-expiration-26-12-2012-1606037_57.php

 

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