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10 septembre 2015 4 10 /09 /septembre /2015 16:53

Mon blog déménage  ! 

Un immense Merci à mon fils Clément,

il a transféré l'intégralité des articles chez un hébergeur digne de ce nom

 

Maintenant, le blog est ici:  

cris-et-chuchotements-medicaux.net

7 septembre 2015 1 07 /09 /septembre /2015 22:28

2015 enchaîne les images chocs.

L’œil ne peut pas les éviter, particulièrement si l’on est twittos.

Des images d’horreur devenant si courantes que cela génère une sorte d’anesthésie émotionnelle. On les regarde presque sans les voir.

On voudrait ne pas les connaitre, ces images. Puis, la raison, ou la déraison, fait glisser un regard oblique vers l’irregardable. Du policier achevé en direct dans une rue parisienne en janvier, à un enfant de 3 ans mort sur le sable blond d’une plage de vacances.

Certaines photos collent à la mémoire. Les colonnes de Palmyre, animées d'une macabre mise en scène d’enfants obligés de tuer des adultes. Dégoût, nausée. Comment le monde accepte t’il cela ? et moi ? mon silence, mon inaction valent t’elles acceptation ?

Puis des migrants dans l’eau, des migrants noyés, tant de migrants.. le soir, au JT, on écoute sans attention les décomptes macabrement et quotidiennement débités par des journalistes n’ayant rien de plus à nous offrir que le nombre de morts quotidiens, sans analyse politique de ces évènements.

Vient la dernière image forte, celle qui m’a renversée, moi, personnellement. C’est la photo d’un camion, abandonné sur n’importe quelle autoroute de ce monde en déroute. Une porte ouverte laisse entrevoir les corps enchevêtrés. Mais… j’ai déjà vu cette image ? Oui, je l’ai vue, mainte et mainte fois, c’est l’image des corps entassés retrouvés dans les camps de concentration.

Face à cette image, voici la question saugrenue qui me vint à l'esprit: Et, si l’information eut été dans les années 40 ce qu’elle est de nos jours ? Comment cela se serait-t-il passé ? des journalistes postés à l’entrée des camps comptabilisant les gazés du jour ?. Aujourd’hui, mesdames et messieurs, au camp d’A.., les nazis ont gazé 1000 personnes. Nous n’avons pu filmer la salle de douche en direct, mais les images des pendus de la cour sont sur notre site.. Le prochain train visé par la résistance démarre demain matin à 6h12 de Lyon en direction de Paris, soyez prudents, ne restez pas près d’un nazi non identifié, qui peut sauter à tout moment. Les chars positionnés dans le Nord de la France pour faire croire à l’attente d’un faux débarquement sont en plastique, ce n’est pas très écologique même pendant une guerre.

 

A l’heure actuelle en tous cas, une partie du monde (dont moi, hélas) endort sa conscience pour ne pas se laisser déstabiliser par toutes les images chocs d’indiscrétions macabres servies quotidiennement. Parce qu'aujourd'hui, contrairement aux années 40, nous ne pourrons jamais dire "nous ne savions pas".

Obnubilés par l’empilement de ces horreurs, et en même temps convaincus de notre impuissance, convaincus que nous émouvoir n’y changera rien, nous faisons semblant d’ignorer que ces images sont juste la conséquence de l’installation d’une dictature sanguinaire et impitoyable, dans une poudrière, à la porte de l’Europe.

Nous écoutons d’une oreille distraite un président en mal de réélection, relayé par des journalistes débitant leur prompteur, nous dire qu’ils a décidé avec ses collègues présidents de répartir des quotas de migrants dans x pays. Ils savent et nous comprenons déjà que les chiffres donnés ne résisteront pas à l’arrivée en masse de tous ceux amenés à fuir ce que nous ne voulons pas voir. Pourquoi tous ces migrants fuient t’ils ? Et surtout, que ces migrants fuient t’ils ?

Un sentiment diffus m’envahit ces jours-ci. N’est on pas en train d’assister à l’engrenage impitoyable d’une machinerie de guerre mondiale. Continuer à accepter la version édulcorée des dramatiques conséquences de ces nouveaux nazis prenant possession d’une partie de l’humanité semble impossible. Continuer à photographier les noyés, les morts entassés dans un camion ou ailleurs, les exécutions mises en scène volontairement pour choquer et endormir les esprits en les habituant à ces images exécrables ... Non, quelque chose d'une autre dimension va survenir, forcément..

Se contenter de quelques bombinettes de ci de là lancées par un pays ou un autre sur des positions stratégiques ne solutionnera pas la redoutable explosion démographique de ces nouveaux terroristes du monde. Et ces gens la, je ne refuse de les voir devenir les nouveaux maîtres d'une humanité retournant à la barbarie.

Une quatrième guerre mondiale couve t'elle? Comment sera-t-il possible, sans action forte, de remettre la terre en sérénité ?. Sera t'il possible d'éviter une action d’envergure pour enrayer un problème que l'on a jusqu'à présent laissé monter en graine, germer et gangréner ?

1 septembre 2015 2 01 /09 /septembre /2015 23:15

J’ai toujours voulu être médecin, d’aussi longtemps qu’il m’en souvienne.

J’imagine qu’une majorité de collègues, ont aussi, durant leurs études, ressenti un vrai enthousiasme, cette sorte de passion, la belle impression d’un métier gratifiant. Sans ce déclic, comment pourrait-on résister à la misère humaine croisée dès les premiers pas de l’apprentissage. Nul n’est prêt à ce qu’il verra, entendra, touchera, même s’il a souhaité devenir médecin. Nul ne peut le faire sans moments de passion

Longtemps, j’ai été convaincue que jamais ne me gagnerait l’agacement, ni l’énervement, ni le découragement. Convaincue que l’essentiel de ma vie professionnelle serait la relation de soin. Convaincue que c’était surement exagéré de parler autant des fameuses « tâches administratives ». Convaincue que les médecins étaient animés des mêmes ambitions et partageaient mon enthousiasme, convaincue de l’entente entre praticiens, et des beaux projets que les médecins pourraient mener ensemble.

Dans les études, quelques certitudes vacillent. La solitude et la peur font partie de l’expérience de l’interne confronté à ses premiers cas difficiles. Le lavage de cerveau des chefs qui laissent entendre à demi-mot qu’être surinvesti en temps de travail est la seule manière d’apprendre, et de réaliser ses projets et ses rêves professionnels.

Biberonnée à cet esclavage du « c’est contraignant, mais passionnant, mais ton avenir professionnel sera à la hauteur de tes espérances, et tu auras la chance d’exercer le métier et la spécialité que tu aimes ».

De cela, jeune, je n’ai pas douté.

Mais ça c’était avant.

Rien n’a changé dans ma vocation à être médecin. De plus, l'expérience m’a fait accumuler une somme de connaissances, et ce ne sera jamais fini, j’apprendrai toujours, jusqu’au dernier jour.

Mais quand je croise d’autres médecins, hors des staffs, cela fait longtemps que nous ne parlons plus de nos beaux cas, de nos malades intéressants. Révolue, l’époque ou notre cœur de métier était de soigner.

Parce que désormais, quand je croise d’autres médecins, nous parlons de nos préoccupations et des aléas de notre métier.

On parle de notre regret de voir se perdre la relation humaine. Des attentes des patients bien trop élevées par rapport à ce que l’on peut vraiment leur offrir. De leurs exigences de disponibilité médicale à la demande, de la fatigue que créée la permanente sur-sollicitation. On évoque l’impatience, les incivilités qui ont pénétré nos bureaux médicaux, les journées ou consulter est loin de la docte sérénité espérée, et les soirs où l’on rentre chez soi avec l’impression d’avoir mené des batailles.

Nous échangeons sur ces fameuses « tâches dites administratives ». Non seulement elles sont réelles, mais en plus leur volume augmente à vitesse supersonique. Les relations parfois compliquées avec les caisses et les tutelles et les directions d’établissement. Mais pas que… le temps méconnu et impalpable des troisièmes mi-temps des suivi des malades sortis très vite après la chirurgie ambulatoire, des résultats d’examens, des réponses aux innombrables questions par téléphone ou mail, des heures passées à trouver des lits d’hospitalisation ou de long séjour dans des filières de soins pas au point. Des rappels des patients, des courriers à lire, à dicter. Et j’en passe…

Nous échangeons beaucoup sur l’indigeste mayonnaise politico-sociale qui assaisonne chacun de nos jours et suscite bien des préoccupations. Faire partie d’une profession remise en cause de toutes parts est remuant. Pourquoi affirmer à longueur de discours et d’articles de presse que nous sommes trop chers, faisons trop de dépassement d’honoraires, n’avons pas assez d’écoute, ne prenons pas de décisions partagées avec les patients ?

Nous sommes révoltés si l’on nous explique que nos innombrables heures de notre travail d’interne peuvent être considérées comme des études payées par l’état, auquel, en juste retour, nous devrions allégeance et docilité.

Nous ne savons pas comment expliquer qu’il nous parait anormal de voir décider, sans l’accord de toute la profession, d'une obligation de pratiquer le tiers payant. Nous nous inquiétons de la lourdeur de ce que cela impliquera. Et du temps qu’il faudra trouver encore pour ça.

Fini, les échanges sur les beaux cas de patients. Nos conversations de docteurs tournent désormais sur les préoccupations de notre vie professionnelle. Sur ce sentiment de ne pas l’exercer comme on aimerait, et en plus de gâcher une large partie de notre vie personnelle. Sur ces questions: comment en est-on arrivé à laisser un tel pouvoir à des politiques et des administratifs qui nous divisent pour mieux dicter leurs lois ? Et nous nous nous demandons si nous allons suivre les consignes de tel ou tel syndicat, de fermer nos cabinets une nouvelle fois.

Moins les patients attendent de la société, plus ils attendent de leurs médecins, personnes qu’ils pensent consacrées à leur bien être en toute exclusivité.

Les conversations de docteurs, et même leurs échanges sur Facebook et sur Twitter, elles disent bien que le corps médical aussi aimerait de l’écoute et des soins attentifs. Parce que la vocation de soigner en prend un coup dans les parcours de combattants que sont les conditions d’exercice médical de nos jours.

Les petites souris qui écoutent aux portes des discussions entre médecins, et lisent leurs tweets, elles devraient vite aller prévenir les patients qu’il n’est surement pas bon pour eux d’être soignés par des médecins autant préoccupés d’autres affaires que celles de la santé de leurs malades. Des médecins qui rêvent de vraies journées de consultation, ou il y aurait juste échange avec les patients autour de leurs maladies.

22 août 2015 6 22 /08 /août /2015 14:44

Heureusement pour leurs patients, les médecins sont convaincus que tous les traitements qu’ils leurs appliquent ont vocation à leur faire du bien.

Bien entendu, nous entendons parler d’effets indésirables de médicaments. Mais à l’échelle individuelle de chaque médecin,  les praticiens ne testent pas tout ce qu'ils prescrivent. De plus, les complications médicamenteuses concernent souvent une autre spécialité que celle du prescripteur. Le prescripteur initial recevra au mieux un compte-rendu. De fait, l’incident survenu à un de ses patients ne fera pas vaciller ses convictions. Il pensera encore que les médicaments qu’ils indique sur ses ordonnance sont efficaces et comportent peu de dangers.     

Moi-même, bien qu' issue d'une spécialité cible de nombreuses complications de médicaments, je me pose finalement peu la question du danger de ce que je prescris ou ou consomme. Pourtant c'est quotidien en gastro!  Saignements dus aux anticoagulants des cardiologues, gastrites et ulcères sous aspirine et anti-inflammatoire, hépatites médicamenteuses, diarrhées post-antibiotiques…

Par contre, un médecin lui-même concerné par une pathologie ou un médicament va parfois se lancer en librairie ou sur le net pour l'exprimer, et en tous cas,  commence vraiment à se poser des questions. Certains moments clés des histoires personnelles des soignants peuvent faire vaciller leurs certitudes.

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Je vais donc vous raconter brièvement mon histoire récente, avant de me servir de l’incident pour élargir le débat des effets indésirables des médicaments, en tous cas l’un d’entre eux, le Tramadol.

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Mais avant, je dois faire un aveu … de ma vie j’ai seulement une fois pris 2 taffes d’un seul demi pétard. Oui, je sais, avoir 15 ans dans les années 70 et n’avoir touché à rien de tout ça, ça fait ringard, limite anormalité, mais bon, hormis la clope et quelques rares tranquillisants dans des périodes de vrais soucis, la psycho-action  ne m’a jamais tenté.  Jusqu’à ce que l’industrie pharmaceutique, en toute subtilité et bonne conscience, me démontre sur le tard que finalement, on pouvait se retrouver addict sans même l’avoir envisagé

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Cette année, j’ai été malade (déjà raconté un peu là : http://www.cris-et-chuchotements.net/2015/06/medecin-malade-ne-tirez-pas-sur-l-ambulance.html )

Il y a tout juste une année, donc, une hanche gauche décidant d’un coup de de devenir arthrosique et destructrice signe un début de cohabitation avec les antalgiques.

Les premiers essais ne sont pas concluants.

Avec le Tramadol LP 100 même pas le temps de savoir si ça soulage la douleur tant ça me rend malade comme une bête.

Avec l’Ixprim, mélange de Tramadol, à 37,5 g et de paracétamol, courte histoire d’une semaine de vacances. Dès le premier jour de reprise des consultations, il apparaît que mes capacités cognitives sont totalement à marée basse, et que cela serait délétère pour les patients qui ne pourront compter sur aucune de mes compétences habituelles.   

Finalement, paracétamol et anti-inflammatoire conjugués me feront aller jusqu’à la chirurgie. Un gastro sous anti-inflammatoire durant 8 mois, vous imaginez bien qu’il en connait les risques et fait attention ! jamais de prise à jeun, et  traitement de protection pour l’estomac ! Pas trop de paracétam pour ménager mes reins et mon foie.

Enfin, arrive le moment salvateur de la chirurgie. Juin de cette année.  

Quel miracle, cette chirurgie de prothèse de hanche !!! séquence pub !!!  C’est de la magie. Du jour au lendemain, une jambe que tu ne pouvais plus appuyer se pose au sol, des mouvements devenus impossibles font à nouveau partie  du quotidien. Vive les progrès médicaux !

Evidemment, la douleur ne s’envole pas magiquement à J1.  On me sert donc dès le premier petit déj hospitalier du Tramadol LP 100. Vu la première expérience désastreuse, disons que j’hésite, mais  ma copine, l’infirmière douleur  qui me suit avec une attention touchante, m’assure et me convainc de l’importance de calmer intégralement la douleur post-op.  Je tente et cette fois,  pas  d’effet indésirable.  

Retour à domicile, ordonnance du chir avec relai par l’Ixprim.  4 comprimés par jour au début, puis 3, puis 2… Mais arrivée à 2 comprimés par jour, je reste à cette dose. Saurais-je l’expliquer.  

Pourquoi vais-je continuer à prendre chaque jour 2 comprimés d’Ixprim pendant un mois supplémentaire ?

  • A cause de la douleur ? J’ai pourtant l’impression, passé un mois de traitement, que ma douleur ne mérite plus 2 comprimés d’Ixprim par jour.   En fait, c’est juste comme une crainte d’avoir mal si je l’arrête.
  • A cause de ses effets positifs ? En effet,  il se révèle plein d’effets inattendus mais très désirables. Le médoc se montre  un extraordinaire et inattendu coupe-faim, en un mois, 5 kilos s’envolent par enchantement.  C’est également un somnifère de grande qualité.  Etant en arrêt de travail, la question de la réflexion en consult ne se pose pas.  

2 fois, je l’oublie le soir. S’ensuit une nuit de merde.  Me contentant d’en déduire que  j’ai encore besoin du médoc,  je ne pense toujours pas accoutumance.

Chaque jour, pourtant, augmente la conviction. Plus besoin d’antalgique fort. Chaque jour confirme cette certitude : je poursuis l’Ixprim juste pour son effet tranquillisant, somnifère et anorexigène. Chaque jour, je sais qu’il faudrait que j’arrête. Surtout que la reprise de travail se profile, et la peur de ne plus réfléchir correctement avec ce médicament revient.

Et donc, après un mois et demi de prise continue de 2 comprimés par jour d’Ixprim, j’arrête sur 3 jours

Et alors, la, que se passe t'il ???

Un syndrome de sevrage monumental. Le vrai syndrome de manque du drogué privé de son produit. Boule d’angoisse permanente dans l’estomac, 5 nuits totalement blanches, à sauter de douleur, d’anxiété, d’irritation, de stress, d’envie impossible de s’endormir et de se calmer. Gêne respiratoire, impression d’étouffer, une véritable samba dans le lit, sans position calmante ! 10 jours après, les nuits ne sont pas encore normalisées.  

C’est incroyable… …. en fait, je suis droguée, je suis une droguée en sevrage. Et comme tout drogué,  ce sevrage est un calvaire… la main se tend vers la boite avec l’envie indicible d’en reprendre un comprimé pour que l’insupportable cesse….  

Sauf que je suis bêtement droguée par un  médicament hautement addictif donné en parfaite bonne conscience par des soignants qui me voulaient du bien. Un  « simple » antalgique de palier 2, que prennent tant de gens, pour des douleurs, une molécule prisée des urgentistes et de nombreux médecins pour soulager mieux et plus vite les douleurs de leurs patients.

 

Enquête autour de la dépendance au Tramadol

1ère étape :  Je ne suis pas la seule à qui cela arrive : Appel du Docteur Google. Avant même d’aller voir la notice du médicament. Nombre de gens semblent en découdre de la même manière avec leur dépendance au Tramadol.

2ème étape : c’est bien noté dans la notice du médicament :

La notice de l’Ixprim liste mes symptômes ! « Des symptômes de sevrage, analogues à ceux notés lors d'un sevrage aux opiacés peuvent survenir, même aux doses thérapeutiques et pour des traitements de courte durée (voir rubrique 4.8).., tels que : agitation, anxiété, nervosité, insomnie, hyperkinésie, tremblements et symptômes gastro-intestinaux ».

3ème étape : qu’est-ce au juste que le Tramadol ?

Il y a 3 paliers antalgiques selon la classification de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé).

 Le tramadol est un antalgique de palier II, moins fort que la morphine et les opiacés, mais plus que le paracétamol. Commercialisé en Allemagne depuis 1977 et en France depuis 1997, il est aujourd’hui présent dans de nombreux médicaments indiqués dans le traitement des douleurs modérées à sévères et commercialisés sous différentes formes (forme orale à libération immédiate ou à libération prolongée et forme injectable) et à des dosages allant de 50 à 200 mg. Il existe également deux spécialités associant le tramadol (37,5 mg) au paracétamol (325 mg). Dans le contexte du retrait du marché des médicaments contenant du dextropropoxyphène, l’Afssaps a ouvert en 2009 un suivi national renforcé d’addictovigilance et de pharmacovigilance des médicaments contenant du tramadol.

 

4ème étape : la dépendance au Tramadol peut survenir après un mois ½ de Tramadol ?

 Mais, oui +++ une présentation de Anne Roussin indique bien qu’en fait, la dépendance au Tramadol survient le plus généralement dans un contexte de traitement donné dans un but antalgique: http://www.chu-toulouse.fr/IMG/pdf/anne_roussin_tramadol.pdf

Une diapo semble même décrire mon histoire récente  …

 

Une thèse d’un pharmacien le confirme : Vincent Cassier http://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01016615/document

« La dépendance fait suite à une prescription initiale à des doses thérapeutiques à but antalgique. L’augmentation progressive des doses est parfois motivée par la recherche d’un bien-être, d’un effet plaisant, euphorisant ou stimulant. Les durées de consommation sont longues avec un sevrage difficile, même à dose thérapeutique »

5ème étape : pourquoi prescrit t’on si facilement du Tramadol ?

Parce qu’un médicament extrèmement consommé, le Diantalvic, contenant du dextropoxyphène(DXP)  a été retiré dans toute l'Europe en mars 2011 suite à des décès liés à des intoxications volontaires en Grande-Bretagne et en Suède, mais aussi en raison de l'absence de preuve d'une efficacité supérieure au paracétamol seul ou à la codéine et d'un doute sur une possible toxicité cardiaque.

Selon les données chiffrées analysées par l'ANSM en 2012, ce retrait s'est traduit par un report partiel sur l'utilisation d'autres antalgiques de palier II (dont fait partie le Tramadol)  et, dans une moindre mesure, sur des antalgiques de palier III. Elle indique en effet  qu’ entre juillet 2010 et juin 2011, les ventes de médicaments à base de tramadol  ont augmenté de 30 % par rapport à l’année précédente

Une courbe, issue d’un rapport de l’ANSM en 2012 montre que la consommation d’Ixprim s’envole déjà en 2011. C’est la courbe en violet tout en haut.

 


 

6ème étape : les agences de suivi de santé et des médicaments se préoccuppent t’elles de cette augmentation de consommation et de la question de la pharmaco dépendance ?

Le même rapport de L’ANSM en 2012  indique  les conclusions du rapporteur : L’augmentation importante des ventes de tramadol n’a pas donné lieu à une augmentation des cas rapportés d’abus et/ou de dépendance. D’après les données issues des laboratoires et des CEIP, la dépendance fait fréquemment suite à une prescription initiale dans un but antalgique à des doses thérapeutiques, suggérant une dépendance primaire dans la majorité des cas. L’augmentation progressive des doses est parfois motivée par la recherche d’un bien-être, d’un effet plaisant, euphorisant ou stimulant. Les durées de consommation sont longues avec un sevrage difficile, même à dose thérapeutique. Des syndromes de sevrage sont cependant observés après 1 à 2 mois de traitement. La reprise de la consommation après tentative d’arrêt est fréquemment motivée par la suppression des signes de sevrage, en raison de la dépendance physique

Puis les Proposition du rapporteur :  La prescription de tramadol ne doit pas être banalisée. Le rapporteur propose de renforcer l’information des professionnels de santé et d’harmoniser les Résumés des Caractéristiques du Produit (RCP) :

- sur le risque d’abus mais surtout de dépendance au tramadol, et ce même à dose thérapeutique,

 - sur la nécessité de prendre en charge les signes de sevrage s’ils se manifestent lors de l’arrêt du traitement,

- sur l’importance d’éviter d’interrompre brutalement un traitement par le tramadol, même s’il est de courte durée.

- sur le fait que le tramadol ne doit pas être utilisé comme traitement de substitution ou de sevrage aux opiacés.

Il préconise également la diffusion de recommandations sur les modalités de sevrage.

Le comité technique est d’accord avec ces propositions du rapporteur de l’agence et émet les conclusions et avis suivants : Conclusion et avis du Comité technique

Le comité technique soutient le rapporteur et propose de maintenir le suivi de l’enquête d’addictovigilance sur le tramadol afin de surveiller les évolutions des addictions possibles avec cette substance. Il pourrait être complété par une analyse des données de l’Assurance maladie. Une communication auprès des médecins, dentistes, pharmaciens est nécessaire, en parallèle de la modification du RCP (Résumé des Caractéristiques du Produit), afin de rappeler que la prescription du tramadol doit se faire de manière raisonnée pour éviter le risque de dépendance primaire et pour les informer des risques de mésusage des médicaments contenant du tramadol. Un travail sur les problèmes de mésusage et pharmacodépendance liés à l’utilisation des antalgiques devrait également être fait par les autorités de santé, en lien avec les sociétés savantes

7ème étape : la question de l’abus et de la difficulté de sevrage étant posée dès 2012, quel suivi est effectué ?

Pas vraiment un suivi, en tous cas, je ne trouve pas de publications. De 2012 à 2015, il y a comme un blanc dans le travail des agences de santé, autour de cette question de la pharmacodépendance au Tramadol.

Au contraire,  les autorités se félicitent des hausses de ventes de médicaments antalgiques, preuve, selon eux, que la douleur est de mieux en mieux traitée…

En revanche, les écrits de patients et de journalistes autour des  addictions et dépendance au Tramadol fleurissent sur le net, et L’OIVS -organisme international de contrôle des stupéfiants- indique que l’abus de Tramadol devient préoccupant dans de nombreux pays, notamment au Moyen Orient ou il est en vente libre dans plusieurs pays. Cette substance psychoactive n’est cependant pas placée sous contrôle international, https://www.incb.org/documents/Publications/AnnualReports/AR2014/French/AR_2014_F.pdf

Finalement en 2015, l’ANSM se réveille ! Le sujet de la pharmacodépendance au Tramadol ressort des cartons.  http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/6b429ecdd4b1d3fd99fce5b69f253bc8.pdf

Et, dans un tel cas, que font généralement les agences de santé de notre pays…. Elles décident de réaliser une étude !  Thématique N°5 Objet de l’étude : Etude d’utilisation sur les antalgiques ANSM- 07/05/2015 http://ansm.sante.fr/content/download/76841/974925/version/1/file/5_Fiche_etude-utilisation-antalgiques-mai2015.pdf

Il est important de signaler qu’il s’agit d’une étude dont l'appel à projet de Mai 2015 prévoit un suivi sur … 10 ANS !!! L’objectif de cette étude sera de faire un état des lieux sur une période d’environ 10 ans de la consommation et de l’évolution de la consommation des antalgiques en France.

Cela laissera largement le temps aux patients de devenir pharmacodépendants au Tramadol en quelques semaines et aux labo de rentabiliser leurs investissements et  leur marge. 

En effet, le Tramadol est la quatrième molécule vendue en pharmacie en France à l'heure actuelle, en majorité sous la forme Tramadol/paracétamol. 

 

8ème étape : d’autres médicaments sont ils aussi facteurs de dépendance?

Oui, beaucoup de médicaments. Allez voir par exemple cette présentation claire.   http://slideplayer.fr/slide/1201072/

 

9ème étape : que peuvent faire les médecins faire pour éviter de tels effets indésirables ?

Accuser le corps médical ne serait pas juste.

Sans alerte officielle des autorités, il ne peut pas prendre suffisamment conscience de la portée de telles prescriptions, toutes faites dans le sens du bien-être des patients.

Mais en fait, il y aurait bien tout de même une manière d'éviter  la survenue de nombreux évènements indésirables. Il s'agirait que le corps médical soit convaincu de la notion suivante: quand on prescrit, il faut penser à déprescrire ++++

On trouve déja ce concept dans un article de 2005, (http://www.apmnews.com/print_story.php?numero=142335 )

Citons le Pr Patrice Queneau, coprésident du colloque, membre de l'Académie de médecine et doyen honoraire de la faculté de médecine de Saint-Etienne.

"En revanche, dans les douleurs chroniques comme la migraine, la lombalgie, les douleurs psychosomatiques, "il faut penser à déprescrire, il y a une éducation à faire", souligne-t-il.

La surconsommation d'antalgiques repose surtout, selon lui, sur la durée de traitement, ce qui pose la question du bon usage des antalgiques.

"L'antalgie doit répondre à des référentiels mais elle doit aussi être personnalisée", estime-t-il.

"Je pense qu'il y a beaucoup plus de mauvaises indications dans la durée des traitements que dans le choix de l'antalgique", confie-t-il à l'APM. "On peut prendre la béquille médicament pour la douleur aiguë, mais au-delà, on prend des risques", notamment d'accoutumance, estime-t-il. »

10ème étape et conclusion

L’addiction au Tramadol ne sera-t’elle pas finalement un problème médical et social grave, issu de la prescription médicale, en toute bonne conscience, par des praticiens soucieux de soulager au maximum les douleurs des patients et sous- informés des conséquences de leurs prescriptions et des modalités d’arrêt. Des laboratoires trop heureux de voir s’envoler les ventes, des agences laissant les sujets  en dormance permettent à de telles situations de perdurer.  

L’addiction au Tramadol souligne l’importante question de la déprescription médicale. Celle-ci vaut pour de très nombreux médicaments. En tant que gastro, je passe mes consult à voir des patients consommant au long cours des anti-ulcéreux dont ils n’ont aucun besoin. Juste parce que la déprescription n’est pas considérée par les médecins comme un acte aussi important et aussi bénéfique pour leurs patients que la prescription.

Si vous n’êtes pas convaincus par la démonstration, il vous reste à essayer ! 2 mois d’Ixprim pour n'importe quelle douleur, puis à l'arrêter… 

24 juillet 2015 5 24 /07 /juillet /2015 23:49

Si j’étais au pouvoir, je me pencherai sur le double effet dérégulant les dépenses de santé : d’un côté un paiement à l’acte mal tarifé,  d’un autre côté un accès libre quasi gratuit de tous les patients à un système de santé affaibli par le manque chronique d’argent. 

L’inflation de consultations et d’actes mal payés

Les médecins sont rémunérés à l’acte. Et l’acte est mal rémunéré.  Le côté inflationniste de cette anomalie est évident. Mais comment les médecins pourraient t’ils pousser la générosité jusqu’à restreindre leurs actes dans ce paysage figé ?  Le généraliste a beau râler contre les certificats médicaux et les rhumes, ça compense les consultations longues et difficiles et lui permet d’assurer un revenu décent selon ses critères.  Les spécialistes sont auto-prescripteurs de leurs actes techniques, et par là même de leur propre revenu.  Mais, refuser de réaliser un examen, c’est d’une part amputer ses propres ressources financières, d’autre part s’exposer à un mécontentement du patient, et à son départ vers un autre spécialiste plus complaisant qui réalisera l’acte considéré comme inutile par le précédent médecin.

Les patients ont pris l’habitude de cette débauche d’actes tant cliniques que techniques. Ils consultent au moindre bobo et sont demandeurs d’explorations et de traitements, parfois furieux de repartir sans ordonnance, ou exigeant des examens jugés inutiles par leurs praticiens.

C’est un dilemme pour le corps médical. Refuser de pratiquer un acte ou une consultation, c’est conjuguer une perte de revenu  au mécontentement de nombre de patients.  Refuser un examen ou un traitement implique un temps d’explication, voire de négociation. 

Si j'étais au pouvoir, je réfléchirais au fait que le temps médical n’est pas rémunéré, et pas considéré.   

La liberté d’accès des patients au système de soins

Si j'étais au pouvoir, je m'intéressais au fait que le système de santé est lacéré de toutes parts du fait de sa facilité d’accès.

Car dans notre pays, être malade, ou même se sentir malade, confère bon nombre de droits imprescriptibles qui n’existent plus nulle part ailleurs.

Un patient qui s’estime malade peut consulter autant de fois qu’il le souhaite un ou plusieurs médecins, y compris dans une même journée. Il peut consulter un spécialiste en accès direct, ça lui coûtera le prix d’un paquet de cigarettes en plus, qu’il négociera souvent en disant que finalement c’est bien son généraliste qui l’adresse, mais qu’il a oublié la lettre. Il peut exiger des examens, que les spécialistes auront du mal à refuser, puisque, comme on l’a vu, refuser un examen, c’est d’une part amputer son propre revenu, d’autre part  s’exposer à la récrimination des consultants.  Il peut trouver que les rendez-vous sont trop lointains, exiger d’être vu en urgence, et s’il n’est pas satisfait, il est en droit légitime de se présenter dans un service d’urgence quand bon lui semble.

Une facilité d’accès telle que les urgences se retrouvent embolisées par des pathologies bénignes, parfois au plus profond de la nuit. Une facilité telle qu’on donnera généralement tort aux généralistes de ne pouvoir voir tout ceux qui le souhaitent, aux spécialistes d'avoir des délais trop long, à l’urgentiste de faire attendre plusieurs heures les patients, voire d’accueillir désagréablement un patient venu pour pas grand-chose à une heure indue.

Une facilité d’accès aux soins telle que le système se retrouve grippé par des patients mal portants mais pas tout à fait très malades, consommant un temps et une énergie médicale faramineuses, et empiétant sur le temps médical réservé aux pathologies lourdes.

Si j’étais au pouvoir, je demanderais aux associations de patients de réfléchir sur la notion de maladie, et sur les droits d’accès au système de santé.

Si j’étais au pouvoir, je serais d’accord pour que les patients atteints de pathologies graves, lourdes et prolongées n’aient aucun reste à charge. Mais par contre, j’inciterais à réfléchir sur le cas des mal-portants.  Les enrhumés, les grippés, les douloureux, les anxieux, les petits bobos,  les hypochondriaques, les exigeants,  les pressés, peut-on réfléchir aux cas des utilisations dites de confort des ressources de santé, et qu’elles ne soient plus forcément  gratuites, disponibles à toute heure, sans aucune régulation.

C'est pas moi, c'est lui qui...

Une chose est remarquable, en tout cas en matière de santé. Les français se trouvent toujours les pauvres de quelqu’un.

Les médecins se plaignent de la faiblesse de leurs revenus, eu égard à leur temps de travail. Ils ont la faiblesse de se comparer parfois à des coiffeurs, dont le tarif de coupe est supérieur au tarif d’une consult. C’est pourtant une comparaison infondée, car un coiffeur normal gagne bien moins qu’un médecin normal.

Les patients se plaignent des tarifs de la santé. A y regarder de plus près, le plus cher, ce n’est pas le médecin. Ce sont les lunettes et les dents. Mais, du coup, lessivés financièrement par ces dépenses, les patients réclament le plus d’économies possibles et se disent que ce serait vraiment bien de ne plus du tout payer le médecin.

Or, à voir le nombre de voitures sur la route des vacances, à voir le nombre de fumeurs, on se dit que la majorité des français dispose bien de quelques dizaines et même centaines d’euros qu’il pourrait consacrer à sa santé. Alors, vouloir une santé gratuite, ou paraissant gratuite, ce n'est pas une belle idée de politicien altruiste pour son peuple, mais une pure démagogie censée cacher la  gestion politique de l’entrée en masse des mutuelles dans le champ de la sécurité sociale.

 

Si j'avais le pouvoir...

Et donc, si j’avais le pouvoir, moi, petit docteur pas politisé, je ferais en sorte de sortir de ce cercle vicieux mutuellement accusateur,  ou l’état, les médecins, les patients se renvoient invariablement à la figure les responsabilités.

  • En concertation avec les associations de patients et le corps médical, j’instaurerai une réflexion sur la notion de maladie, sur les accès libres et ouverts au système de santé, sur une méthode de régulation des recours aux urgences. Je réfléchirais au plus vite à ce qu’est la sécurité sociale, ce qu’elle peut encore assurer, qui elle peut encore couvrir intégralement. Et enfin, je déterminerai sans mensonge et sans lobbying  la place donnée aux mutuelles dans l’évolution de la santé

  • Je définirais le petit risque, et réfléchirais à un panier de soins socialement acceptable.   Je concentrerais les moyens financiers du système de santé sur les patients en affection de longue durée et polypathologiques et sur ceux qui n’ont pas les moyens de payer.

  • Je prendrais en considération le temps médical. Ce temps ne peut pas être gratuit, fut-il consacré à soigner ou à effectuer des tâches administratives. Alors, je proposerais une rémunération au temps passé, autorisant ainsi des consultations longues pour les  pathologies lourdes, et les patients ayant une prise en charge en affection de longue durée. Je réfléchirais à tous moyens donnant du temps médical rémunéré, permettant aux médecins  de compléter le dossier partagé qu'ils seraient alors d'accord de tenir à jour, réévaluer les traitements, et assurer le pivot du suivi social en concertation avec des paramédicaux coordinateurs.

11 juillet 2015 6 11 /07 /juillet /2015 16:12
  • Etre malade, c’est commencer à parcourir un monde nouveau. Aux côtés d’un nouveau partenaire, son médecin. Normalement, le médecin fournit au patient armes et bagages pour se débrouiller seul dans le nouveau paradigme que représente la maladie. Sauf qu’en vrai, ce n’est pas si simple. Le patient ne peut pas avoir appris les codes pour s’en débrouiller après seulement quelques contacts médicaux.

 

  • On reste trop ancré sur l’idée que le médecin soigne surtout des maladies aigues. Ça, c’était avant. Avant, les malades chroniques n’étaient pas très nombreux, juste du fait ne vivaient jamais bien longtemps. Ils souffraient et mouraient de leur unique maladie. Sur le long terme, les médecins n’avaient pas vraiment à s’en occuper dans le sens où ils ne pouvaient pas faire grand-chose quoi qu’ils fassent. Jusqu’à ces 30 dernières années, les patients chroniques multipathologiques, cela n’existait guère. L’ancien cancéreux désirant faire un emprunt, c’est quelque chose de nouveau. L’hypertendu, stenté, remis de son infarctus, aux artères bouchées, au foie cirrhoïsé, diabétique à l’insuline, ulcéreux, sous anticoagulants et autres médicaments, traité pour son cancer, témoigne des progrès de la médecine . Le patient avec une, 2, voire 3 pathologies coexistantes est le quotidien. Et c’est nettement plus compliqué à gérer par les médecins.

 

  • Dans ce contexte, Le parcours de soins, c’est la vraie vie du patient. Mais ce parcours, en fait, se passe en dehors du bureau du médecin. En pratique, il débute temporellement une fois sorti de chez le médecin , quand le malade se retrouve seul chez lui, avec la ou les maladies et tout ce qui va de pair avec. Le problème de santé, c’est 20% de médical, 30% de questions médicales ou non, à approfondir et 50% de social.

 

  • Toutes ces polypathologies, tous ces nouveaux traitements lourds, changent le visage de la clientèle des médecins. Mais comme la vieillesse et la maladie restent souvent une sorte de naufrage, les patients ont besoin d’accompagnement.

 

  • Il apparait alors que la médecine n’a guère changé. Elle reste centrée sur le symptôme, sur la maladie, sur les médicaments.

 

  • Au-delà de la technicité médicale, l’attente des malades est de voir la consultation et l’hospitalisation prolongées par une prise en charge transversale. Les malades veulent un accompagnement, la coordination d’un suivi et le balisage d’un véritable parcours de soins, dont ils demandent à être le centre d’intérêt.

 

  • De manière simpliste, on se dit que les médecins peuvent facilement assurer la fonction « Parcours de Soins ». En fait, on a juste modernisé l’image paternaliste du médecin de famille, disponible à tout moment et à tout malade en notion de « Parcours de soins ». Sans considération des changements et de l’évolution sociétale, on attend que le dévoué docteur de famille devienne désormais un technicien médical aux compétences entretenues et avérées, mais aussi le pivot de toute la transversalité et du suivi des maladies de ses patients.

 

  • En toute objectivité, la démesure de cette attente saute aux yeux . Imaginer que les médecins seraient suffisamment disponibles pour assurer la transversalité des maladies chroniques, non seulement la partie médicale mais aussi tout le parcours de soins des patients, c’est faire fi de la complexité des patients, des multi-pathologies, du manque de temps médical, de la sous rémunération du travail médical, et aussi de toute la dimension sociale des problèmes médicaux. C’est omettre la baisse du nombre de médecins, l’explosion de la demande de soins médicaux. L’acte médical est si mal tarifé qu’il oblige à la multiplication. Les médecins sont toujours pressés. Les autres soignants aussi d’ailleurs. Quelques jours à l’hôpital permettent de le réaliser. On croise des soignants agités, bousculés, sur- occupés, besogneux, passant en coup de vent dans la chambre, venus juste déposer des gélules, faire une prise de sang, poser une question, dont ils écouteront la réponse en repartant vers la sortie tout en répondant au téléphone qui sonne sans relâche.  On ressort de l’hôpital pour trouver un médecin traitant pas plus disponible (par quel miracle serait il moins occupé que les hospitaliers ?). Il faut aussi appeler 10 infirmières pour en trouver une, autant de kinés pour un avoir un disponible.

 

  • Pourtant dans ce contexte, l’idée perdure que les médecins, depuis leur bureau de consultation, et tout en s’occupant d’autres malades, peuvent en même temps continuer à rouler à côté de tous leurs patients et piloter leur parcours.

 

  • Ca arrangerait tout le monde, d’ailleurs, qu’on arrive à persuader les médecins d’assurer tout le suivi du Parcours de Soins. Car cette attente des patients va justement dans le sens des économies de santé telles que bien vues par les payeurs. Accompagnement des patients signifie meilleure observance thérapeutique, moins de recours médicaux, raccourcissement des hospitalisations, moindres réhospitalisations.

 

Jusqu’à ce point, ce texte est consensuel.

Cela risque d’être moins vrai avec la suite .

Mais, bon tant pis, je me lance…

 

  • Tout d’abord, ne pas se leurrer sur la dimension économique de la prise en charge des parcours patients. Elle évite des réhospitalisations, des consultations, elle permet une meilleure observance thérapeutique. D’où la forte implication de la CPAM. Et, comme à l’accoutumée, celle-ci profite de l’inertie médicale pour installer des modèles relevant de sa propre logique comptable, et en laissant les médecins en dehors. Elle a tort, elle devrait les impliquer. Mais elle a une si basse opinion de la capacité des médecins à faire cela, que le choix a été de les contourner en douceur. Tout en assurant, bien sûr, qu’ils devraient être impliqués ! . Prado, programmes de télémédecine gérés par les ARS, tout cela relève en premier lieu d’une logique d’économies de santé.

 

  • Ensuite, ne pas se leurrer sur les attentes des patients. Quand ils sont hospitalisés, ils retiennent en tout premier la qualité de l’hôtellerie. Quand ils sont malades, certes ils apprécient les compétences médicales de leurs soignants, mais ils réclament avant tout un accompagnement. Or, les médecins ont du mal à changer de logique. La consultation n’a guère évolué depuis un demi-siècle. Les médecins soignent l’organe, la maladie. Les intervenants médicaux successifs s’occupent chacun de leur spécialité. Cependant, il est vrai que les médecins sont tous déjà surchargés de travail, et passablement exténués, et il est donc illogique d’attendre qu’ils puissent assurer en supplément gratuit toute la transversalité des patients.

 

  • Enfin, et surtout, il ne faut pas se leurrer sur l’inaptitude du corps médical à mettre en œuvre une sorte d’intelligence collective pour garder la main sur d'importantes questions qui le concernent.

Les forums de patients, ainsi que les groupes FB de patients, démontrent comment l’intelligence collective leur permet d’avancer quand ils sont atteints d’une maladie chronique. S’ils viennent parfois s’y plaindre du trop bref accompagnement médical, ce n’est pas l’essentiel de leur présence. Le fondamental des bons forums et groupes de patients, c’est la mise en commun des connaissances, l’aide mutuelle. Une authentique intelligence collective s’y crée. s’il y a des erreurs (car les patients ne savent pas tout), elles sont vite rectifiées. Quelques patients deviennent des experts de leur pathologie. C’est un vrai progrès. Le refus de certains médecins d’accepter l’expertise des malades et leur quête d’information n’est pas normal. C’est dans l’ordre des choses, et fait partie des parcours patients que les médecins se doivent désormais d’accepter, voire d’accompagner.

 

Sur le très actif groupe Facebook  « les médecins ne sont pas des pigeons », comptant 33865 membres, les post des médecins se focalisent sur les luttes et les griefs.  Etre contre toute la loi de santé, fermer les cabinets, faire des actions de santé morte, refuser le tiers payant. D’accord, moi aussi, je suis totalement opposée au tiers payant généralisé. Mais ce sont nos syndicats qui ont négocié cela avec les gouvernements successifs. Et nous avons laissé faire. Maintenant que c’est fait, nous sommes contre. Etre contre n’ouvre pas forcément les portes de la liberté.

Ce qui arrive aux médecins est le résultat du manque d’utilisation de leur d’intelligence collective. Ou plutôt, c’est comme si l’intelligence collective du corps médical trouvait sa seule cohésion dans l’opposition. Tous ensemble, les médecins n’ont jusqu’à présent pas su définir ce qui était important pour la profession. Ils savent surtout ce qu’ils refusent.

 

… Une autre manière de gagner en crédibilité pour le corps médical, serait de définir ses fondamentaux collectifs. Se battre contre tout ce qui a été mis en place permettra peut-être des reculs, mais ils ne seront jamais spectaculaires comme espéré. Le secteur 2 ne se libérera plus. Le tarif de la consultation ne sera surement pas revalorisé comme il le devrait. Les charges resteront lourdes. Le tiers payant va être un véritable casse-tête. Les pressions des caisses et des tutelles s’accentueront. Bien sûr que l’on est réticent à tout cela, mais en même temps, la majorité du corps médical a laissé faire. Ainsi, les questions a poser pourraient être : Pourquoi les programmes de suivi des patients mis en place contournent t’ils les médecins ? Pourquoi, nous médecins, n’avons-nous pas su mettre en place le dossier médical partagé, alors que nous savons bien que cela se fera quand même, mais sur notre dos si l’on ne veut pas s’en emparer. Pourquoi tant d’ordonnances sont-elles de piètre qualité, alors que c’est le fondamental du métier de médecin, et que nous pourrions « vendre » cet objectif qualité.

  • Si nous, médecins, collectivement, proposions des évolutions, nous pourrions les négocier. Ce serait  générateur de respect, et non d’obligation, et nous réussirions forcément à discuter d'égal à égal avec les tutelles afin que la mise en place d'actions soit considérée comme un travail médical supplémentaire et donc à ce titre reconnu et même rémunéré. Alors qu’à l’heure actuelle, non seulement tout passe dans le dos du corps médical, mais en plus, les tâches sont supposées s’ajouter bénévolement. C’est insensé que les médecins soient collectivement si désunis et si faibles, au point d’en être arrivés à montrer une incapacité de la corporation à se valoriser, à faire valoir ses qualités. Au point d'en être arrivés à se faire laminer. Au point d'utiliser le peu d'énergie qui reste juste à essayer de se défendre au lieu d'être pro-actif.

 

Dans la vraie vie d’un bloggueur médical, les posts non médicalement consensuels sont moins lus et moins relayés que les autres par les collègues, parce qu’ils n’aiment pas lire des choses dérangeantes. Par exemple, celui la http://www.cris-et-chuchotements.net/2015/06/d-une-consultation-mal-vecue-au-probleme-de-la-loi-de-sante.html . C’est fou, le silence assourdissant qui fait suite à un texte ou l’on évoque « Un large débat sur la santé réunissant les médecins et les patients, autour des attentes respectives et des valeurs communes .... . Pour ne pas se voir imposer des lois que personne n'appréciera, il serait temps que tous, médecins et patients, aient le courage de leurs responsabilités respectives. PS: que font les Think Tank ? on les attendrait bien sur ce thème. ».

A ce point que j’ai aujourd’hui une tentation. Celle de créer un nouveau groupe FB, que l’on pourrait dénommer : « les médecins prennent leur envol » ou bien « Intelligence Collective Médicale »

30 juin 2015 2 30 /06 /juin /2015 18:28

Tout jeune, l’apprentissage de l’heure de travail élastique : Les études 

Le futur médecin est un étudiant comme les autres (*même si certains allèguent qu’on lui offre ses études). Comme les autres… cependant il comprendra vite que la masse de connaissance à accumuler impose des heures d’apprentissage à rallonge. Premier contact avec les nuits courtes, les week-ends de travail, les vacances escamotées.  Les occasions  se répèteront tout au long des longues études médicales de passer ses dimanches à potasser, de ne pas avoir le temps de voir sa famille, de laisser tomber les amis, les sorties et le sport.

 

L’apprentissage hospitalier, on apprend un fondamental du métier : la journée finie n’existe pas dans la vraie vie d’un médecin.  

Un malade intéressant, une technique à apprendre, une intervention  jamais réalisée, un patient tout juste arrivé, et à voir sans tarder.  On explique au jeune médecin que la maladie n’a pas d’heure, que l’occasion d’apprendre ne se représentera pas, que c’est maintenant et pas demain. Une des  règles de base du monde hospitalier: rester au-delà des heures prévues, ne pas regarder sa montre,  ne pas compter son temps de travail comme un salarié normal,.

De quelles antiques traditions viennent l’impérative nécessité d’être présent, les choix de rester plutôt que de partir ?  Petit à petit, en tous cas, le médecin commencera à rentrer plus tard le soir chez lui, à partir plus tôt le matin.  

Ces années hospitalières étudiantes constituent la grande entrée dans la spirale des heures en plus.  Le médecin se laisse inculquer la notion d’un temps supplémentaire indispensable.  Ou plutôt d’un temps supplémentaire  « qu’il ne peut pas ne pas faire ».  Ces heures, on les doit sans compter pour plein de raisons, la première étant que l’on est là pour apprendre, et qu’apprendre la médecine se fait à toute heure, à pas d’heure, et sans compter ses heures. 

Un jour, l’apprenti docteur finit par être convaincu que c’est sa propre décision de travailler plus.   

En fait, il a juste mis le premier pied dans un long engrenage.  Dès lors qu’on a admis de renoncer à son temps personnel pour cette soit-disant bonne cause, la médecine, il sera excessivement compliqué de faire marche arrière.

Le mythe du temps non compté est si bien ancré dans la carrière hospitalière que les médecins croient que c’est de leur fait, croient que c’est leur choix, croient que c’est normal de consacrer une large partie de leur temps libre aux malades et au soin.  Tu es jeune, après tout, tu as du temps, après tout tu apprends.

Les mois, les années passent. Chaque jour ou presque, le même scenario se renouvelle. Chaque jour, il y a de bonnes raisons de rester au lieu de partir à l’heure prévue.  Ce qui a pu être un choix au départ,  devient petit à petit un non choix.  Ce qui a pu être consenti au début, est devenu, chaque jour un peu plus, une obligation. Le sacrifice transitoire dédié à l’apprentissage est devenu  quotidien et incontournable.  

Les patrons laisseront même habilement penser que la présence continue est le facteur clé d’une future carrière ou même d’une solide formation. Autour de lui, le jeune médecin verra autant de collègues hypermotivés à son image, regardant d’un air dédaigneux celui qui est capable de louper une belle intervention , un beau geste technique ou une réunion de staff, parce qu’il  a un tennis ou rentre s’occuper des enfants.

Pendant des années, le jeune médecin apprend ainsi à ajouter des heures à ses journées. Insensiblement, il passe du choix délibéré au non-choix résigné.  Le piège se referme sur cette affirmation.. On ne compte pas ses heures quand on est médecin.

 

Médecin hospitalier : « passer dans le service »

Formaté dès le début de sa carrière hospitalière,  le médecin hospitalier n’a pas d’option B. Bien au contraire. Désormais, s’il choisit de rester hospitalier, au temps médical, s’ajoutent d’autres contraintes. Du  travail administratif, des collègues absents à remplacer au pied levé, des réunions en fin de journée, et la fameuse permanence des soins.

Le message implicite de l’hôpital réaffirme la nécessité de la présence médicale continue.  Au fur et à mesure des heures bénévoles, le médecin fait sien cet adage : « si tu n’es pas là..  qui le fera ? »  il s’imagine indispensable à la santé des patients. Il est juste indispensable qu’il soit présent.

Devenu chef, puis montant dans la hiérarchie, l’hospitalier ne pourra ni ne saura se soustraire à ses obligations. Il est établi que le samedi est un jour comme les autres et que les malades sont aussi malades le dimanche que les jours de semaine. Il est légitime, du fait de la position de responsable, qu’on puisse l’appeler chez lui pour des questions. Il est légitime que le médecin laisse sa famille pour venir bosser. Il est indispensable d’assister aux réunions le soir, de faire des week-end de formation, de partir en congrès, de passer des heures le soir à préparer des cours et des présentation. Il faut aussi surveiller les patients, le service, son fonctionnement.  Il est logique de prendre l’habitude de « passer dans le service » même après une nuit de garde. Et bien souvent d’y rester..

La famille a s’adapte progressivement. On sait que, dans les diners, le médecin (selon sa spécialité) arrivera au mieux pour le plat de résistance, au pire au dessert, ou bien sera définitivement retenu à l’hôpital.  On sait que le médecin ne sera jamais dispo le samedi matin, et pas toujours le dimanche. On sait que les sorties scolaires sont une activité qu’un parent médecin ne pourra jamais accompagner. On sait que le médecin ne pourra pas toujours partager les vacances familiales, parce que sinon, il n’y aura pas assez de monde dans le service.

 

Médecin libéral : après l’heure, c’est toujours l’heure ... d’assister les personnes en danger

Sorti du carcan hospitalier, le médecin se plait à imaginer que libéral comprend éventuellement la liberté de gérer enfin son temps personnel !

A l’heure de l’installation, point final à toutes ces heures de présence hospitalière en vue d’assurer la continuité, de faire carrière, de faire plaisir au patron, de se montrer assidu.

Hélas…

Famille, amis, loisirs, les sacrifices déjà commencés durant la période hospitalière trouveront bien d’autres raisons de perdurer.    

Un piège va réguler vite fait les velléïtés de liberté personnelle des médecins libéraux.  Celui de l’obligation légale d’assistance à personne en danger.  Ce piège, article R.4127-9 du code de la santé publique « Assistance à personne en danger »  explique au libéral la chose suivante : Tout médecin qui se trouve en présence d'un malade ou d'un blessé en péril ou, informé qu'un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s'assurer qu'il reçoit les soins nécessaires.

Ainsi, tout potentiel malade s’estimant potentiellement en danger, trouvera  normal d’obtenir un recours quasi immédiat à sa demande de soins.  Ainsi, quel que soit le moment, l’heure, ce qu’il fait, l’endroit ou il est, le médecin peut tomber sous le coup de cet article. A chaque sollicitation de la part d’un patient, ou que se trouve le médecin, y compris chez lui, il est indispensable d’apprécier la gravité de la situation. En effet, si la personne était réellement en danger, le médecin, s’il n’est pas intervenu, risque à terme d’aller dormir en prison.

Entre les désirs de temps libre et les innombrables sollicitations, quel choix ? Pour tous les patients qui veulent être vus, urgents, mais aussi non urgents,  pressés, agressifs, ne supportant aucune attente. Comment ne pas passer à côté du malade grave autrement qu’en acceptant tout ?  Pour répondre aux si nombreuses demandes, la journée normale ne suffit pas. Dans la droite ligne de l’apprentissage hospitalier, toutes les raisons valables de travailler au dela des heures normales vont s’imposer. Sauf que, à nouveau, insensiblement, le choix délibéré de rester un peu plus pour rendre service deviendra un non-choix, puis une véritable contrainte. 

La base, ce sont les consultations supplémentaires conduisant à allonger les horaires de travail, puis à raccourcir les vacances car pas de remplaçant.. Le complément, ce sont tous les temps additionnels, ceux dont personne ne conçoit la réalité. L’additionnel c’est tout d'abord le service après-vente médical de plus en plus sophistiqué attendu par les patients.  Retour de résultats par téléphone, avec interprétation s’il vous plait, avis téléphoniques circonstanciés, conseils avisés, ordonnances de dépannage, papiers à remplir, certificats à faire, etc.   Aucun patient ne juge importantes les 3, 4, 5, 10 minutes gratuites qu’il a reçues en supplément. Aucun patient ne s’imagine qu’il n’est pas le seul,  que 5,10, 15  autres personnes ont fait comme lui chaque jour. 

L'additionnel c'est aussi, tous les jours, en fin de match, le rattrapage des nombreux temps d’arrêt de jeu de la journée. Avec le nombre d’interruptions de jeu, avec le nombre de tâches laissées pour la fin de journée, les petits ruisseaux de temps additionnel font de grandes rivières d’heures supplémentaires…non rémunérées, of course et prises une nouvelle fois sur le temps personnel.

Ajoutons, pour ne rien oublier, les heures sup pour formation, les gardes en plus du temps de travail normal, cela allonge encore  la somme de temps décomptée de la vie personnelle d’un médecin libéral.

 

Il y a des additions et des multiplications  de temps que personne ne veut faire. Les minutes de temps supplémentaires sont comptées dans beaucoup de métiers.  Concernant les médecins, la plupart des gens considèrent qu’il est parfaitement normal qu’ils soient en permanence débiteurs de minutes gratuites. 

Bien que libéral, le médecin n’est donc pas si libre. S’il était libre de son temps, on lui concéderait la liberté de partager le petit déjéuner, le diner avec sa famille.  Or, justement, les patients réclament que le médecin soit libre à ce moment-là… oui, libre de pouvoir les voir en consultation. Comme si l’unique liberté concédée au médecin était celle d’être prioritairement libre pour voir des patients.

Que les médecins s’en plaignent est jugé irrecevable par la plupart des gens. Il s’en trouve même, des gens, pour  insinuer que les temps de lecture de la presse médicale et les temps de formation ne sont pas à comptabiliser comme temps de travail pour un médecin.  Il se trouve même des gens dans les administrations encadrant la santé,  pour estimer que les médecins « surcotent » leur temps de travail. Un jour un médecin de la HAS m’a dit : « vos horaires de travail ne sont que déclaratifs »… sous-entendu, vous en faites surement moins que ce que vous prétendez.

Comptabilité de temps:   augmentation de temps de travail = déduction de temps personnel   

Autant pour les libéraux que les hospitaliers (*une fois n'est pas coutume!), le sacrifice de son temps personnel au profit des temps de travail est un adage médical auxquels peu de médecins échappent.

L’hypertrophie du temps de travail est obtenue au début par la motivation, puis par le façonnement, et finalement par la contrainte. A terme, même les médecins arrivent à considérer ce sacrifice de temps comme faisant partie intégrante de leur métier.

Jusqu’à un certain point….

Le seul comptable de tout ce temps perdu pour lui, c’est le médecin.  Le seul qui sait tous ces soirs où il avait promis à sa famille d’être à l’heure pour diner. Tous ces soirs, jour après jour, ou ses enfants ont compris que la promesse d’être là ne serait jamais tenue. Les week-ends et les jours fériés qu’il n’a pas consacrés à sa famille parce qu’il était de garde.  Il y a ceux dont le conjoint s’est en allé, parce qu’il n’en pouvait plus de supporter que la notion de journée finie n’existe pas. Les spectacles auxquels il a depuis longtemps renoncé en semaine, parce sa patientèle trouve anormal qu’il parte plus tôt.  Les vacances que certains réduisent des années durant parce qu’ils ne trouvent pas de remplaçant et culpabilisent de laisser leur clientèle sans médecin. Les consultations en plus que l’on ajoute le soir, pour éviter l'allongement des délais de rendez-vous. Les déjeuners sautés, les sandwichs avalés en vitesse entre 2 consultations. L’absence de pause dans une journée de 12 heures. Les avis téléphoniques et les documents administratifs à faire en fin de consultation. Les amis, les copains, les voisins, les amis d’amis, pour qui être médecin c’est tout le temps, et qui abusent d’avis faciles et de certif de complaisance.

Grignoter sur le temps libre, c’est souvent aussi  laisser de côté sa propre santé. Combien de médecins omettent  leur santé personnelle, ne se font pas soigner, méprisent leur état d’épuisement, n’écoutent pas leurs douleurs ni leur fatigue physique et morale.  

Et par-dessus tout ça, le spectre de tout l’administratif que l’on veut encore prochainement ajouter à des journées déjà si bien remplies, et à des temps personnels si laminés.

Ce n’est jamais fermé chez le médecin.  Après l’heure c’est encore l’heure. On croit encore et toujours en France que le temps du médecin est élastique. Elastique et extensible jusqu’à l’infini, ou bien susceptible de craquer ? Les médecins sont formatés à faire de nombreuses heures de travail, mais il y a forcément un point critique. Le risque c’est que la goutte d’eau du travail supplémentaire demandé pour le tiers payant, (par exemple), soit en pratique une nouvelle rivière d'heures supplémentairess, dont les remous feront chavirer l'équilibre du supportable par le corps médical.

17 juin 2015 3 17 /06 /juin /2015 00:00

Un rapport chiffré devrait mettre de l'eau au moulin des médecins. On les compte, on les recompte, on analyse leur répartition  par âge, par région, par sexe même ( Oui, pour les médecins, même leur sexe questionne, c'est incroyable!). Au total, on se rend compte qu'on va bientôt manquer pour de vrai de ce bien précieux qu'est un médecin généraliste. 
 

  • Médecins, la seule profession dont on dit qu’il va manquer de

professionnels alors que leur nombre ne cesse d’augmenter.

Paradoxe : Plus de médecins en exercice en 2014 qu’en 1979.

1979 : 2 médecins pour 1000 habitant,

2014 :  3,34 médecins pour 1000 hbts (155 MG et 179 spécialistes)

http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF06102.

2015:  un déficit de jeunes praticiens augmente cette impression de pénurie.

Mais surtout, le nombre de généralistes libéraux n’augmente pas suffisamment . Et l’augmentation de la demande de soins médicaux explique la difficulté de faire face, même à plus nombreux

 

  • Médecins, la seule profession dans laquelle "plus l’on forme de généralistes, moins il y en a".

Mais ou sont donc passés les généralistes ? Une baisse de plus de 7 % du nombre de généralistes entre 2007 et 2015. Parmi les raisons, une mathématique simple : plus de vieux qui s’en vont, moins de jeunes qui arrivent et encore moins de jeunes qui veulent s’installer.

 

  • Médecin, la seule profession qui doit avancer avec un pivot de moins en moins solide.

58104 MG libéraux en 2015, 54000 prévus en 2020. Faire pivoter une demande de soins en augmentation sur un nombre de praticiens en restriction, voila bien une théorie qui va mettre du grappin dans les rouages du pilotage médical du parcours de soins.

 

  • Médecins, la seule profession dont on assure que la présence de femmes (58%) génère un problème d’activité.

Et aussi, la seule profession dont on peut s’indigner en toute légitimité que les femmes souhaitent concilier vie familiale et vie professionnelle

Imaginez … la même critique des femmes avocates, juristes, politiques, etc !

 

  • Médecin, la seule profession où on ne risque pas de vous mettre en préretraite à 50 ans.

Moyenne d’âge du corps médical en 2015 : 51 ans.

1 médecin en exercice sur 4 a plus de 60 ans : y a-t-il un autre métier ou c’est ainsi ?

 

  • Médecins, la seule profession ou les seniors ont une vraie valeur, y compris au delà de la retraite

12946 retraités actifs encore en exercice.

C'est grâce à eux que le nombre de généralistes actifs ne s'écroule pas

 

  • Médecin, la seule profession sans chômage des jeunes !

 

  • Médecin, la seule profession pour laquelle est si bien anticipé le nombre de professionnel de chaque filière … mais qui perd ses petits en chemin.

Les jeunes généralistes de la filière médecine générale,  ou passent t'ils donc ? Les flux d’entrée dans les filières de spécialité médecine générale ne sont pas superposables aux flux de sortie. Beaucoup de stratégies sont mises en place par les jeunes médecins pour échapper au spectre de l'installation libérale. Cancérologie, médecine salariée, gériatrie en établissement de santé, journalisme, administration, remplacements professionnels, toutes sortes d’échappatoires sont disponibles pour ne pas arriver sur le marché du cabinet libéral de médecine générale. Chaque année, près du quart des médecins de chaque faculté ne s’inscrit pas à l’ordre et exerce d’autres professions.

 

  • Médecin, la seule profession au travail élastique.

Seul volant de régulation d’un revenu médical = le volume d’activité. Moins la consultation est tarifée, plus il faut d’heures travaillées pour obtenir le même résultat et donc plus le médecin voit de patients. Aucun intérêt à augmenter les tarifs. Si on augmente les tarifs, les médecins travaillent moins, et la file d’attente s’allonge. Fort intérêt donc à bloquer, voire baisser les tarifs pour motiver les médecins pénuriques à travailler plus.

 

  • Médecin, la seule profession influençable à ce point, pour augmenter la productivité.

Face a l’augmentation de la demande de soins, les médecins sont capables d’une augmentation de leur rythme de production pour éviter que les files d’attentes s’allongent. S’ils ne le font pas spontanément, on fait pression sur eux pour qu’ils augmentent leur productivité.

 

  • Médecin, la seule profession à laquelle on veut imposer d’être le seul notable dans un village perdu.

 

  • Médecins, la seule profession à laquelle on vient rappeler qu’elle est comptablement débitrice envers l’état des années d’études effectuées.

Cette idée opportunément jetée sur le marché récemment est d'une immonde mauvaise foi. Sauter à pieds joints sur le travail réalisé en même temps que l’apprentissage est révoltant pour les médecins ayant sacrifié tant d'heures et de temps, pour leur jeunesse passée entre les murs des hôpitaux. Les étudiants en médecine ne sont pas de simples observateurs grassement rémunérés en cours gratuits. Ce sont les fourmis ouvrières de l’hôpital.

 

  • Médecin,  profession ou les immigrés sont "vraiment" bienvenus.

Augmentation de plus de 40% du nombre de médecins étrangers de 2007 à 2015.

Mais problème. Même les immigrés ne se répartissent pas comme on voudrait. Pas plus moyen que les médecins français de les faire installer en libéral, seulement un quart d’entre eux accepte. Les autres veulent être salariés.

 

  • Médecin, la seule profession dans laquelle on s'intéresse autant au nombre de retraités.

Compte t’on les retraités de la banque, de la finance, du droit, avec les professionnels du métier ? médecin, la seule profession dont on s’émeuve qu’elle accroisse son nombre de retraités sans accroitre son nombre d’actifs.

D'ou l'idée de génie: tout mettre en oeuvre pour que les retraités continuent d'exercer.

Médecin un jour = médecin toujours ?

 

  • Médecin, la seule profession ou l’aspiration à travailler moins est considérée comme illégitime.

Car elle peut priver des patients de soins.

Y compris ceux qui veulent voir un médecin à 11 heures du soir ou le dimanche pour un problème non urgent

Y compris pour les morts dont on se scandalise quand un médecin ne se libère pas sur le champ pour venir signer le papier bleu.

 

  • Médecin : la seule profession que tout le monde imagine jamais malade ! et donc toujours réceptive sans aucun accroc aux misères des autres.

Y compris après 12 heures de travail continu ou la nuit même pour ceux dérangeant le médecin pour un bobo évoluant depuis plusieurs jours déjà.

 

Médecin, la seule profession ou l'on doit sans cesse se dédouaner "ce n'est pas la responsabilité du corps médical s'il en est ainsi"

Les producteurs de chiffres n'ont de cesse de les manipuler en tous sens, dans l'objectif de faire oublier une donnée non négligeable: ce sont leurs choix qui ont mené à cette situation. D'un ton accusateur, ils pointent les médecins ne voulant pas s'installer, les femmes désireuses de temps libre. Pour autant, les fautifs ne sont pas les médecins. Les économistes de santé, et autres politques de tous bords ayant contribué à la situation actuelle se sont anesthésiés de l'irréalité des projections théoriques, de dogmatismes irréfléchis, d'une étroitesse de vision qu'ils ne manquent pas de reprocher aux autres. Leur doctrine fondamentale, celle que l'offre médicale créait la demande, était un déni de l'évolution sociétale.

Bruts, ces chiffres sont déprimants. Ils le seront de plus en plus si ceux qui ont conduit à cet état de fait continuent à en rendre les médecins responsables, et à vouloir mettre cette profession totalement sous leur tutelle. Ils savent trop que ce qui est rare est cher, et cela va justement contre leur idée qui prétend que la médecine en France doit être gratuite pour tous.

Que les patients ne se fassent aucune illusion. Au final, ce sont eux qui payeront. Au lieu de rémunérer la sécu, ils payeront les mutuelles. Et cela leur coûtera bien évidemment beaucoup plus cher. Surtout si c'est pour être soigné par des médecins rares, mais malgré tout contraints et paupérisés.

 

Réf : http://www.demographie.medecin.fr/sites/default/files/atlas_demographie/atlas_2015.pdf

http://www.conseil-national.medecin.fr/node/1607

http://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/atlas_2014.pdf

 

7 juin 2015 7 07 /06 /juin /2015 20:23

Un certain nombre de consultations ont pour motif dominant le ressenti du patient. Dans ce cas,  des points de vue divergents entre médecins et patients créent des conditions émotionnelles qui finissent par conduire au désastre de la loi de santé... 

Cela peut vous paraître un raccourci osé.

Je vais donc tenter dans ce post un enchainement équilibriste. Partir d’une consultation mal vécue, de petites insatisfactions quotidiennes,  pour en arriver au problème de  la loi de santé.

Mettez votre ceinture et suivez, si vous voulez, la route de mon raisonnement…

  1. Commençons par choisir  2  thèmes de consultations insatisfaisantes.

Parmi ceux que je connais le mieux:

- la question des maladies de thyroïde et de leur équilibration (parce que je suis VP du super forum "Vivre Sans Thyroïde" ,

- et le problème récurrent de ma spécialité (la gastroentérologie) , soit son cortège de patients que l’on caractérise comme « fonctionnels »

La situation d’une consultation fondée sur le ressenti est la suivante : les patients se plaignent, parfois inlassablement et de manière insistante.  

Du point de vue médical, cependant, il n’y a qu’un nodule thyroïdien banal  qui n’explique pas les troubles, des dosages hormonaux considérés comme dans les normes, des explorations digestives bien faites et négatives, pas de cancer, pas d’inflammation, pas d’infection, pas de parasite.

La consultation est alors un paradoxe. Il n’est question ni de faire du beau diagnostic, ni d’administrer le traitement magique, il est juste question de ressenti du patient.   

Les médecins affirment: vous n’avez rien, absolument rien… et les patients ne partagent pas cet avis.  Ils continuent de se plaindre, et de vouloir trouver un remède à leurs troubles.

Malgré les dénégations médicales répétées, parfois par plusieurs médecins successifs, les patients restent convaincus d’un dysfonctionnement, et convaincus qu'on devrait  le trouver si on le cherchait correctement.  

Et d’ailleurs, un jour ou l’autre, quelqu’un saura les aider à aller mieux. Pas forcément un médecin d’ailleurs.  

Aussitôt, ils pointeront d’un doigt encore plus accusateur celui ou ceux qui n’ont su ni les écouter, ni les soigner.

  1. Que feront les patients suite à ces éprouvantes consultations qui ne leur apportent pas satisfaction ? : chercher un fautif… c’est dans l’air du temps.

Premier objet de ressentiment : le médecin

La colère n’étant pas bienvenue au sein d’une consultation médicale (autant de la part du patient que du médecin), il est rare que le patient sorte de ses gonds.

Le médecin, lui, est formé à garder son calme. Les insatisfactions restent latentes, et ne s'expriment pas ouvertement.  Les consultations clairement conflictuelles sont très rares.

 Le plus souvent, le patient, mais aussi le médecin se contentent d’emmagasiner de l’énergie négative,  et de la frustration.  Il leur faut ensuite,  à tout prix, trouver un fautif responsable de leurs sentiments désagréables. 

Le patient a un bouc émissaire désigné. De toute évidence, la persistance de son mal-être est le fait de son médecin.

Le patient va donc reprocher au médecin divers travers considérés comme explicatifs de son incompétence à le soigner : absence d’empathie,  manque d’actualisation de connaissance (il ne connait  donc pas les dernières normes de TSH ? pourquoi  se conforme t’il aux référentiels en refusant de me doser la T4 ?  pourquoi ne sait-il pas m’expliquer exactement ce que je dois manger…).

Ainsi que pour la plupart des états de malaises, celui du patient tendra à s’atténuer en glissant du particulier au général.

S’enchainent alors les thèmes dévalorisation,  et généralisation,  exutoires bien connus de la surcharge psychologique. Médire est une manière de soulager les tensions internes sans vraiment faire mal, puisqu’on ne dit pas en face de celui que l’on remet en cause.  

Ainsi, le temps insuffisant consacré à la consultation par le médecin sera  critiqué.  

Et puis, le fait d’avoir « à payer pour ça »,  qui justifie que l’on soit au fond d’accord pour le tiers payant, puisqu’au moins on n’aura pas de traitement correct mais on ne payera plus.

Plus avant, le patient pointera du doigt la mauvaise organisation du médecin, par exemple son secrétariat qui n’est pas à la hauteur, son temps d’attente trop long pour donner des rendez-vous.

Finalement, il trouvera peut-être un écho de son malaise sur des forums de patients, et pourra élargir le débat. Cela crée du lien social d’avoir un point commun  et de pouvoir critiquer ensemble un ou quelques médecins n’ayant pas apporté la satisfaction espérée (en donnant juste au maximum les initiales du médecin, bien sur).

A partir des constatations des autres, il apparaitra alors au plaignant que son  insatisfaction est partagée et généralisable à une large partie du corps médical.

Hormis, c’est évident, quelques docteurs miracles trouvés par relation, dont on se refile l’adresse par mp, ces docteurs tant attendus de tous dont la super-compétence  valide a contrario les critiques formulées envers tous les autres.

 

  1. Mais de leur côté, les médecins aussi en ont à dire sur les patients. Car les médecins ne sont pas psychiquement différents des autres gens. 

 

Du côté des médecins, le malaise ne se manifestera pas contre le patient au départ.

En effet, au sortir de consultations avec des patients insécurisés et insatisfaits, il ne faut pas imaginer que le médecin, d’un coup de gomme, passe à autre chose.

Le médecin aussi ressent de la frustration en cas d’insuccès.

Un bureau de consultation chargé d’ondes négatives, dans lequel plane la lourdeur orageuse de l’impasse relationnelle, est source d’inconfort autant pour le médecin que pour son malade.

La tendance spontanée des médecins, dans ce cas, et quoi qu’estiment leurs patients, est de se blâmer eux-mêmes. En effet, ils sont normalement formés à la relation, et chargés d’assurer une relation positive avec chaque patient rencontré. Si ça ne se passe pas ainsi, (ce n’est pas réalisable à chaque nouvelle consultation pour plein de raisons), les médecins ont tendance à estimer que c’est un échec de leur part.  

Dans une seconde étape, les médecins aussi, pour atténuer leur douleur morale, se laisseront glisser dans la critique et la généralisation.  

Ils se plaignent alors qu'en général leurs patients ne soient pas assez compréhensifs. 

Ils s’agacent de l’insatisfaction chronique des consultants, de leurs demandes multiples et irréalisables sur le temps contraint d’une consultation mal tarifée.

A l’image de la démarche de leurs patients, les médecins  élargissent le débat, en allant chercher de l’écho sur quelques blogs, forums, facebook et twitter. Les thèmes de discussion ne manquent pas.  Rendez-vous manqués, incivilités, exigences irréalisables, tout ça pour un tarif insuffisant et des charges administratives écrasantes.  Tout ce qui donne le sentiment aux médecins de perdre le contrôle sur leur profession, et par-delà, d’expliquer leurs bonnes raisons de ne pouvoir satisfaire l’intégralité des demandes des patients.  

Plus avant, vient la bagarre contre le tiers-payant. « faire ça en plus, avec tout ce que je fais déjà ».  L’apothéose de la généralisation est le rejet en bloc de la loi de santé de la part du corps médical.

Mais… mais, mais… la réflexion va prendre ici son virage.  A partir du cas particulier de l'insatisfaction bilatérale, ce texte glisse, donc, lui aussi,  vers la généralisation...

 

  1. La recherche permanente de la faute de l’autre déforme la réalité des 2 côtés… et offre un boulevard à la mise en place de la loi de santé. 

Pendant que médecins comme patients continuent de se désigner l'un l’autre comme fautifs pour soulager leurs propres malaises et les non-dits, pendant que médecins comme patients cherchent des liens de reconnaissance majoritairement auprès de leurs pairs, ce faisant, ils se posent en victimes. Ce faisant, ils continuent d’alimenter le fossé entre leurs attentes respectives. Mais ne se mettent pas un seul instant d’accord sur des attentes communes.

Rejeter la loi de santé sur les réseaux sociaux et dans les journaux médicaux, faire une énorme manif des médecins en laissant les patients en dehors de ça, ressemble presque une sorte de spectacle dans lequel s’activeraient des pantins docteurs sous l’œil vaguement bienveillant, mais le plus souvent indifférent des utilisateurs du système de soins que sont les patients. Cela n'a fait bouger aucune ligne.

Voyant ce clivage, qu'ils entretiennent d'ailleurs avec inventivité, des gens mal intentionnés mais bien renseignés et ayant le pouvoir,  savent qu’ils peuvent s’engager sans danger dans des changements exaspérants. Forts de l’incommunicabilité entre médecins et patients, ils en profitent pour bénéficier d'une entière latitude et mettre en place les contraintes qu’ils veulent.

  1. Si on parlait enfin d’attentes communes ? des Etats Généraux ?

Une des bonnes nouvelles des derniers jours est de voir une patiente partir en guerre contre la loi de santé. (le printemps nantais: http://www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/article/2015/06/02/le-printemps-nantais-premier-mouvement-de-patients-en-colere-contre-le-projet-de-loi-de-sante_758336) Une bonne nouvelle relative, qui restera une bonne nouvelle si et seulement si elle permet de dépasser les non-dits clivant entre le corps médical et les patients. Une bonne nouvelle si cette démarche volontaire d’une patiente trouve ses relais, ne reste pas, à l'image de la manif des médecins, un spectacle animé cette fois par les seuls patients et regardé d'un oeil complaisant par les médecins. Une bonne nouvelle si cela débouche, sur des initiatives concrètes, par exemple l'organisation, au nez et à la barbe de ceux qui divisent pour mieux régner,  d'Etats-Généraux de la Médecine.

Un large débat sur la santé réunissant les médecins et les patients, autour des attentes respectives et des valeurs communes me semble être le seul moyen (non tenté à ce jour) pour trouver des accords et rester maître du virage de la santé, dans le paysage actuel marqué notamment par les grandes contraintes financières.  Pour ne pas se voir imposer des lois que personne n'appréciera, il serait temps que tous, médecins et patients, aient le courage de leurs responsabilités respectives. 

 

PS: que font les Think Tank ? on les attendrait bien sur ce thème.. 

(je postule!)

 

3 juin 2015 3 03 /06 /juin /2015 23:20

Je teste … (à regret)

La maladie

Pour la seconde fois de ma vie

Pas la petite maladie

A chaque fois la vraie maladie

Celle qui risque de te tuer, puis celle qui t’handicape physiquement

J’observe …

Les réactions de mes confrères

Je ne suis surement pas représentative des médecins malades à moi toute seule

Mais dès fois, quand ils s’adressent à toi au moment de tes soucis de santé, tu te demandes pourquoi ils se comportent différemment avec leurs collègues médecins-malades qu’avec les "vrais" patients.

Et surtout, ce que l’on entend, ça fait rarement plaisir, et pas souvent du bien.

Premier acte : le cancer, la maladie qui ne se voit pas

Défaut de la maladie (dans mon cas) : juste une mastectomie… ça ne se voit pas

Enfin, euh, si… un sein en moins, c’est quand même quelque chose qui manque, surtout quand tu te changes dans le vestiaire commun du bloc. Mais personne ne semble remarquer.

Et puis la chirurgie d’exérèse curage, ça te bloque sévère les mouvements de l’épaule pendant un bon moment. On va pas tout de même se pâmer pour une collègue qui a le bras en écharpe..

Des regards rapides passent facilement à côté du vrai problème. Certains croient que tu t'es fait mal à l'épaule. Certains autres savent, mais n'en parlent pas. Ils trouvent que c’est mieux de ne pas évoquer le sujet (dès fois que ça te fasse mal que l’on s’intéresse à ta défaillance de santé ?, dès fois que tu te sentes en infériorité ? )

Et ça donne :

  • Ah, bon, tu n’auras pas de rayons, ni de chimio… ce n’est pas si grave, finalement.
  • Pas de chimio… tu as vraiment de la chance
  • Ah, juste une mastectomie … alors, tu es guérie !
  • Il faut pas te plaindre, avec tous les cas hypergraves qu’on voit en RCP de cancéro, toi au moins tu t’en sors bien
  • Ah, bon, la reconstruction mammaire c’est douloureux ?
  • Ben t’étais encore en vacances, on t’a pas vue depuis un moment
  • Pourquoi tu fais de la kiné ? tu sais, le bras ça se rééduque tout seul
  • Tiens, aides moi à porter ça ! t’es chiante, tu veux jamais aider à installer le matériel
  • J’espère que tu peux prendre quand même l’astreinte
  • Je préfère ne pas te demander de tes nouvelles pour ne pas te gêner, de toutes façons, j’ai vu que tu vis ça superbien
  • Oui mais moi, je me suis fait une entorse au tennis, qu’est- ce que j’ai mal.
  • Bon maintenant c’est du passé tout ça, alors, tu n’y penses même plus (ça c’est la vraie phrase qui tue . Particulièrement quand on te la sort juste au moment où tu viens de prendre le rendez-vous de ta mammo de suivi annuelle, que tu attends les résultats de tes marqueurs, et que tu flippes à mort)

Acte 2 : le problème articulaire de hanche , la maladie qui se voit

On n’est pas dans la gravité du cancer, mais poser le pied devient de plus en plus douloureux quand on est atteint de cette forme rare et rapidement évolutive d’arthrose appelée CDR. Et, cette fois, c’est visible. Des mois à boiter, et maintenant la canne, en attendant l’intervention dans 3 semaines.

Et, là, personne ne peut passer à côté du fait que tu as réellement un problème de santé.

Et ça donne :

  • C’est de l’arthrose, tu es sure ? on a bien éliminé une métastase de ton cancer?
  • Tu as vraiment l’air d’une handicapée avec ta canne, t’es vraiment obligée de te montrer en spectacle ?
  • Franchement, la canne, ça donne pas confiance aux patients
  • Tu devrais prendre des anti-inflammatoires (… oui, tous les jours depuis 9 mois)
  • Fais gaffe à ton estomac avec les médoc, pour une gastro, ce serait idiot de se choper un ulcère, en plus tu devrais te faire la fibro à toi-même !
  • Tu devrais prendre des antalgiques ( … oui, tous les jours depuis 9 mois)
  • Tu ne crois pas que tu devrais maigrir (facile, sans activité physique…)
  • Tu t’arrêtes combien de temps après ? 2 mois ? ben dis donc ma fille, tu n’exagères pas un peu ?
  • Ma belle-mère, son opération a été complètement foirée, elle avait encore plus mal après qu’avant.
  • Et après la première hanche, tu vas voir, il y aura l’autre, et puis, vu comme tu marches, tu vas te bousiller les genoux, c’est sûr.

 

Et si ?

Et si entre médecins,

On était empathique comme avec les patients

Et si quand un collègue ne va pas bien, on ne tirait pas sur l’ambulance

Et si, quand un collègue est malade, il s’entendait dire les mots que l’on dit à un malade « normal »

  • Je comprends que c’est dur ce qui t’arrive, j’espère que tu iras vite mieux
  • C’est dur de travailler en ayant mal.
  • Soignes toi bien et reposes toi, c’est important
  • Si tu as besoin d’aide ou de quelque chose, tu peux compter sur moi.

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